La vidéo des tueries de Mohamed Merah au cœur de l'enquête

Le tueur de Toulouse et Montauban avait filmé chacune de ses sept exécutions à l'aide d'une mini-caméra. Des vidéos dont un montage a été adressé au bureau parisien de la chaine qatarienne al-Jazira. Reçu par la poste et transmis aux enquêteurs, hier, lundi 26 mars 2012. La plus puissante chaine arabe d'information continue a été sommée de ne diffuser aucune image.

La grande préoccupation de la journée de ce mardi 27 mars 2012, pour les familles des victimes et les principaux candidats à l’élection présidentielle aura été d'obtenir l'engagement de toutes les chaines de télévision, françaises et internationales, à ne rien montrer de cette vidéo. Promesse faite avant même la demande solennelle de Nicolas Sarkozy ou la mise en garde du candidat socialiste François Hollande par TF1, France Télévision, Canal + ou encore BFM Télé, au cas où leurs rédactions auraient eu ou pourraient obtenir les images en question.

Al-Jazira a pris plus de temps pour répondre et pour prendre exactement le même engagement. Le contraire aurait d'ailleurs été surprenant, choquant et, à vrai dire, délictuel. Le bureau parisien de la chaine qatarienne avait d'ailleurs dès lundi 26 mars fait montre de retenue en remettant l’intégralité du pli aux enquêteurs : la clé USB, contenant le document - sans doute après en avoir fait une copie -, la lettre de revendication et l'enveloppe.

Mardi après-midi, c'est un communiqué, publié à Doha, au siège d'al-Jazira, qui a levé les dernières inquiétudes. Il n’y aura pas de diffusion, au nom de l'éthique et aussi parce que les images n'apportent aucune information, qui ne soit déjà connue. Ces arguments professionnels se suffisent à eux-mêmes. Sans qu'il soit besoin d'en référer à la décence et au respect du deuil des familles des trois militaires, des trois enfants et de l'enseignant de l'école juive Ozar Hatora de Toulouse. Sans référence juridique, non plus. Tant il est clair que la diffusion de ce montage des assassinats, mixés avec de la musique, des chants religieux et des récitations de versets du Coran, serait tombée sous le coup de la loi, pour « apologie du terrorisme ».

Un possible troisième complice

Cette vidéo enregistrée sur une clé USB est donc un montage des trois tueries des 11, 15 et 19 mars, à Toulouse et Montauban, qui intéresse surtout les enquêteurs. Il y a d’abord le document en tant que tel, dont la réalisation suppose un ordinateur - Mohamed Merah n'en avait pas chez lui - et du temps, pour le montage et le mixage...

Il y a aussi la lettre de revendication, manuscrite, signée Mohamad Merah, « truffée de fautes d'orthographe », selon des sources policières. Il y a enfin et surtout l'enveloppe et le tampon postal, qui indique que ce courrier a été trié, et peut-être déposé, dans une localité située à près de 25 km au nord de Toulouse et qu'il est parti le matin du mercredi 21 mars. Ce qui fait dire déjà aux enquêteurs de la sous-direction antiterroriste que Mohamed Merah n'est sans doute pas l'expéditeur, puisqu'il était dès la veille au soir retranché et cerné à son domicile toulousain.

Il reste alors la possibilité que son frère Abdelkader ait posté le courrier, mais nécessairement avant le milieu de la nuit, sa garde à vue ayant commencé aux premières heures de la journée de mercredi. A moins, autre hypothèse, qu'un troisième homme s'en soit chargé. Un complice encore inconnu, de plus en plus évoqué, dans le vol du scooter, 5 jours avant le premier assassinat.

Polémiques et interrogations

Il demeure des interrogations et désormais même une sérieuse polémique autour des contacts entre Mohamed Merah et les services du contrespionnage français. Contact avéré, avec un rendez-vous à Toulouse entre le responsable régional du renseignement intérieur (la DCRI) et le jeune homme, en novembre 2011. Le patron du contrespionnage l'a lui-même indiqué vendredi 23 mars dans un entretien accordé à nos confrères du journal Le Monde. Il s'agissait, selon Bernard Squarcini, d'interroger Mohamed Merah sur une série de déplacements, effectués depuis l'automne 2010, en Turquie, Syrie, Liban, Jordanie et même Israël. Ou encore au Pakistan et en Afghanistan.

Au moins 9 pays visités et du coup des questions sur ses moyens financiers pour de tels voyages, alors qu’il ne touchait que le RSA (soit un peu plus de 400 euros par mois).
Des questions aussi sur un coup de téléphone, passé l'an dernier depuis le Pakistan à la DCRI, qui le surveillait, en fait, depuis 2007.

Et puis une polémique alimentée mardi 27 mars, par un ancien chef de la DST, à laquelle la DCRI a succédé, il y a 3 ans et demi. Yves Bonnet, s’interroge ouvertement sur ces relations, dans les colonnes du quotidien régional toulousain La Dépêche du Midi, en laissant entendre que Mohamed Merah était peut-être un « indic » du contrespionnage qui aurait échappé à tout contrôle. Un dérapage des services que dément Bernard Squarcini.

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