France : Bayrou n’est plus si seul

François Bayrou a plutôt bien réussi son entrée en campagne. Le centriste a passé assez rapidement la barre des 10% des intentions de vote dans les sondages et s’est fait une place dans le quatuor de tête des candidats à la présidentielle. Il devient attractif et du coup, engrange des soutiens.

Philippe Douste-Blazy a créé la surprise en déclarant il y a quelques jours qu’il soutenait François Bayrou pour la présidentielle de 2012. L’ancien ministre de la Santé et des Affaires étrangères, qui avait participé à la fondation de l’UMP, explique son choix par « le tournant droitier du gouvernement » et ses interrogations sur sa place dans le parti majoritaire. Philippe Douste-Blazy fait donc partie de ces déçus du « sarkozysme » qui cherchent un nouveau héraut et à entendre ses déclarations, il pense l’avoir trouvé en François Bayrou qu’il a décrit comme l’homme de la situation en affirmant : « Avec cette force, cette ténacité, cette honnêteté aussi, il est prêt à être président de la République ».

Le ralliement de Philippe Douste-Blazy est particulièrement symbolique mais il n’est pas isolé. L’ancienne secrétaire d’Etat chargée de l’exclusion dans le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, Dominique Versini a elle aussi rejoint les rangs des « bayrouistes » depuis quelques mois. Le responsable de la campagne de Nicolas Sarkozy sur Internet en 2007, Arnaud Dassier, a décidé de la même manière de quitter le camp du président pour offrir ses services au dirigeant du Mouvement démocrate. Même Christine Boutin, la dirigeante du Parti chrétien-démocrate, candidate à la présidentielle, a déclaré que si elle n’obtenait pas les cinq cents parrainages nécessaires pour être présente à l’élection, elle apporterait son soutien à François Bayrou et pas à Nicolas Sarkozy, dont elle a pourtant été l’une des secrétaires d’Etat, avant d’être, il est vrai, sortie du gouvernement sans ménagement.

Bayrou n’est plus infréquentable

Et surtout certains centristes, issus de l’UDF, qui avaient suivi Nicolas Sarkozy mais ont eu, au fil du temps, du mal à trouver leur place dans la majorité, ont opéré un rapprochement avec François Bayrou depuis l’été. Parmi eux, Jean Arthuis, Alain Lambert, Bernard Bosson, Anne-Marie Idrac. Un « villepiniste », un temps porte-parole de République solidaire, a fait le même chemin : Daniel Garrigue.

François Bayrou n’est donc plus infréquentable. Lui qui s’était mis au ban de la majorité en refusant d’appeler à voter Nicolas Sarkozy au second tour de la présidentielle de 2007, avait payé chèrement sa stratégie du ni droite-ni gauche, de l’indépendance, du refus des clivages partisans en se retrouvant isolé sur l’échiquier politique, sans alliés et presque sans troupes. Les élus de l’UDF qui l’avaient soutenu durant la campagne de 2007 ayant en effet décidé d’aller créer le Nouveau centre et de gouverner avec l’UMP.

Les centristes hésitent : Sarkozy ou Bayrou ?

Mais là aussi, la coupure qui semblait être définitive il y a cinq ans, n’est plus aussi franche. Certains, au Nouveau centre commencent à s’interroger sur le candidat qu’ils vont soutenir au premier tour de la présidentielle. Hervé Morin s’est lancé dans la bataille mais ne fait pas l’unanimité dans son parti. Il ne décolle pas dans les sondages et n’atteint même pas 1% des intentions de vote. Du coup, l’option Bayrou vient concurrencer l’option Sarkozy au sein des militants qui tiennent à faire entendre la voix centriste même s’ils adhèrent à l’idée d’une alliance de gouvernement avec l’UMP et donc du soutien à Nicolas Sarkozy au second tour. Jean-Christophe Lagarde, le numéro 2 du Nouveau centre, a déclaré récemment qu’il considérait que François Bayrou était « toujours de la famille ». Quant à Hervé Morin, qui critique pourtant avec virulence le président du Mouvement démocrate et revendique de faire partie de la majorité, il concède que dans l’hypothèse d’un duel entre Nicolas Sarkozy et François Bayrou au second tour, son choix ne « serait pas automatique » et qu’il regarderait « le contenu des programmes ».

L’influence des sondages

Même à gauche, les lignes ne sont plus si claires. François Hollande a laissé la porte ouverte à un rapprochement en déclarant lors de son investiture : « Si François Bayrou fait un choix -nous verrons lequel- au second tour, eh bien il sera dans la majorité présidentielle qui sera constituée autour du vainqueur du second tour, s’il a appelé à voter pour le bon candidat, sous-entendu celui que je pourrais représenter ». La candidate écologiste, Eva Joly, a quant à elle fait sensation en avançant lors de ses vœux, une proposition inattendue : un accord de désistement entre elle-même, François Hollande, Jean-Luc Mélenchon et François Bayrou, au nom de la volonté de déloger Nicolas Sarkozy de l’Elysée. Une proposition rejetée par François Bayrou mais qui montre qu’il n’est plus totalement persona non grata à gauche. D’ailleurs dans son entourage, on convient que pour le moment ce sont plutôt des personnalités de droite qui ont manifesté publiquement leur soutien au candidat centriste, mais on suggère que de nouveaux soutiens pourraient venir plus tard de l’autre côté de l’échiquier politique.

Rien n’est acquis, rien n’est exclu, Hervé Morin, ancien proche de François Bayrou, aujourd’hui son adversaire pour la présidentielle, estime qu’en matière de ralliements il faut être pragmatique. Leur nombre dépendra, dit-il, « du score de Bayrou dans les sondages ». Autrement dit, plus il montera, plus il aura d’amis.

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