Survivant de l’attaque de Cabinda, l’ancien footballeur togolais Kodjovi Obilalé tente de se reconstruire

Sa vie a basculé le 8 janvier 2010, lors de l’attaque du bus de la sélection togolaise en marge de la CAN. Ce jour-là, Kodjovi Obilalé reçoit deux balles de kalachnikov au foie et dans le bas du dos et perd quasiment l’usage de sa jambe droite. Aujourd’hui, il se déplace en béquilles après avoir un temps vécu en fauteuil roulant. A 27 ans, il prépare sa reconversion professionnelle grâce à l’aide de l’Union nationale des footballeurs professionnels.

Les clips de « coupé-décalé » tournent en boucle à la télévision. En ce mercredi après-midi de décembre, Kodjovi Obilalé a le sourire. Qu’importe la tempête qui, dehors, balaie Lorient et la Bretagne... De la musique, quelques amies autour de lui, l’ancien gardien de Pontivy est comme un poisson dans l’eau. Comme chaque semaine, Kodjovi a fait une halte à « Trugéré », une épicerie africaine de la ville, petit havre de paix où les différentes communautés africaines aiment à se trouver pour boire un verre, discuter et refaire le monde. « Tu te sens un peu en Afrique ici, explique-t-il, ça discute, ça rigole, c’est toujours chaleureux. Ce sont des gens sympa avec qui je m’entends bien, ça change les idées ». Le natif de Lomé vient également s’y approvisionner en pâte d’arachide, piment, manioc et autres bananes de plantain, aliments introuvables en grandes surfaces. « Je cuisine bien, je fais tout, des plats français, africains. Avec n’importe quel ingrédient, je peux faire à manger », avance-t-il fièrement. Originaire du Centrafrique, Marie-Thérèse, la patronne, est une amie de longue date. Tous deux ont sympathisé un soir en discothèque, bien avant Cabinda.

Douleurs physiques et moral fluctuant

Marie-Thérèse a compris que son sourire n’était qu’une façade. Car, sans le dire à ses amis, l’ancien portier de Pontivy traverse une passe difficile. Avec l’arrivée du froid, son dos, ses reins et sa jambe droite le font terriblement souffrir. « Je double mes cachets pour être à l’aise dans la journée et passer de bonnes nuits », explique-t-il. Depuis quelques semaines, il ne s’adonne qu’à la natation, au détriment des séances de kiné. «Il faut que je reprenne le kiné, j’attends d’être bien dans ma tête ». Le moral est fluctuant. L’approche du deuxième anniversaire de la tragédie a réveillé de mauvais souvenirs. Deux ans après le drame, la plaie Cabinda n’est pas encore refermée.

Le gouvernement togolais débloque une aide annuelle

Pourtant, sa situation s’est sensiblement améliorée depuis l’an passé. Son statut d’handicapé vient d’être reconnu. A ce titre, il perçoit une pension mensuelle de 700 euros. De son côté, le gouvernement togolais a débloqué une aide annuelle de 53.000 euros. Quant à la FIFA, elle lui avait versé, en fin d’année 2010, une indemnité de 72.000 euros, somme qui lui a servi à payer sa rééducation au centre de Kerpape, à Ploemeur, en Bretagne. Mais l’argent n’est pas tout. Et ce ne sont pas quelques milliers d’euros qui effaceront le traumatisme.

L’UNFP l’aide à se reconvertir

La clé de sa reconstruction ? Une nouvelle activité professionnelle. Dans ce domaine aussi, les choses ont évoluées dans le bons sens. Kodjovi Obilalé tente, depuis quelques semaines, d’acquérir une formation en bureautique ou comptabilité grâce au soutien de l’Union nationale des footballeurs professionnels (UNFP). Dans quelques temps, il devrait débuter une évaluation en milieu de travail (EMT), passage obligatoire pour jauger ses compétences en milieu professionnel. Une première étape avant le but ultime : l’obtention d’un emploi sur Lorient.

Lui permettre de se réinsérer professionnellement, c’est là l’objectif numéro un de l’UNFP. Le syndicat français des joueurs professionnels a pris en charge l’ancien footballeur en septembre 2010. L’histoire est d’autant plus belle que Kodjovi Obilalé n’était pas professionnel au moment du drame. « Pour nous, ça paraissait évident de l’accompagner, explique - surpris par la question - Philippe Lafon, secrétaire exécutif du syndicat, on l’a déjà fait pour d’autres ». L’UNFP est spécialiste en la matière : le syndicat a favorisé deux mille reconversions d’anciens footballeurs en l’espace de vingt ans. Pascal Bollini aide ainsi Kodjovi dans ses démarches avec Cap Emploi, une association spécialisée dans l’embauche des personnes handicapées.

Un soutien moral indispensable

Mais l’UNFP ne limite pas son soutien au seul aspect professionnel. Manfa Camara, un ancien joueur de Lorient devenu paraplégique en 2002, lui apporte une aide psychologique indispensable. « Il le secoue quand ça va pas », précise Philippe Lafon. Stéphane Burgalter est, pour sa part, en charge des affaires juridiques avec l’Afrique. Quant à René Charrier, le vice-président et Philippe Lafon, ils l’appellent régulièrement pour l’écouter, l’épauler et l’encourager. « Il y a des objectifs qui sont fixés avec des calendriers précis, commente Philippe Lafon, mais, on n’est pas toujours dans les aspects dossiers, on s’intéresse à sa vie de tous les jours, “qu’est-ce que tu fais aujourd’hui”, “qu’est-ce que t’as prévu cette semaine ?” ». Ce soutien est vital pour l’ancien gardien de Pontivy, qui estime, simplement : « s’il n’y avait pas l’UNFP, je ne sais pas où j’en serais aujourd’hui ».

Partager :