Tanya Wexler : « Oh my God ! Vous êtes responsable de votre propre bonheur »

C’est un film qui fait vibrer de plaisir. Au sens figuré, mais quasiment également au sens propre : Oh my God, de l’Américaine Tanya Wexler, décrit l’invention d’un appareil électrique bien commode, créé dans l’Angleterre puritaine des années 1880 : le vibromasseur ! Un jeune médecin progressiste en a eu l’idée après avoir attrapé des crampes à force de pratiquer des massages particuliers sur des clientes frappées d’ « hystérie ». Une blague, pensez-vous ? Non, une histoire vraie, confirme la réalisatrice. Entretien.

RFI : Oh my God est votre troisième long métrage. Comment et pourquoi avez-vous eu l’idée de réaliser un film sur l’invention du vibromasseur ?

Tanya Wexler : Parce que cela m’a fait rire (rires). C’était une histoire drôle apportée par ma productrice. Le vibromasseur a été inventé dans l’Angleterre victorienne et je lui ai dit « C’est une blague ? Oh mon Dieu ! On a fait des recherches ? ». Et j’ai tout de suite su qu’il fallait que j’en fasse un film.

RFI : Cela paraît incroyable que cet outil de plaisir féminin ait été inventé par des médecins qui traitaient des femmes diagnostiquées comme hystériques dans les années 1880.
 

T. W. : Oui, je sais et c’est surprenant n’est-ce pas ? Tous les faits historiques sont avérés. Le vibromasseur a été inventé dans les années 1880. C’était vraiment utilisé pour soulager les médecins parce qu’à l’origine, les médecins masturbaient les femmes jusqu’à l’orgasme dans leur cabinet. Ils appelaient cela le massage manuel jusqu’au paroxysme. Le diagnostic d’hystérie était délivré quasiment à toutes les femmes qui en avaient les moyens. Si vous étiez frustrée ou au contraire nymphomane, que vous aimiez trop votre mari ou le haïssiez, que vous soyez triste ou exubérante, on vous diagnostiquait comme hystérique. Et il y a une citation dans le film qui est véridique, dite par le médecin plus âgé : « la moitié des femmes de Londres est affectée ». Comme si il y avait eu une épidémie d’hystérie. Les médecins pratiquaient ce massage soi-disant pour remettre l’utérus en place. Leur théorie, c’est que du moment qu’il n’y avait pas de pénis impliqué, ce n’était pas sexuel. Ce n’était que des massages. Dans notre film, le truc comique c’est que le jeune médecin finit par avoir une tendinite à la main à force de pratiquer ces massages. Et comme il a besoin de garder son boulot, il invente cet outil. C’est juste un vibromasseur pour pratiquer des massages externes. Mais tous les faits historiques sont vrais. On a créé une intrigue de comédie romantique car je voulais que cela soit drôle. Les gens me demandent souvent quel est le message du film et cela m’énerve. Je ne fais pas de film à message. Je veux surtout que mes films soient drôles. L’idée, c’est aussi que vous êtes responsables de votre propre bonheur. Et vous n’avez pas besoin de docteur.

RFI : Il y a l’aspect comique qui naît notamment du contraste entre le sérieux du médecin qui a une crampe, une tendinite au poignet à force de pratiquer ces massages sur les femmes. Et il y a quand même un aspect sérieux parce que vous liez cette question du plaisir féminin avec la lutte des femmes, des suffragettes, pour l’émancipation féminine. C’est le personnage de Maggie Gyllenhaal qui joue le rôle de Charlotte Dalrymple, la fille du médecin chez lequel tout se passe. Donc il y a quand même un aspect sérieux et politique ?
 
T. W. : C’est le contexte historique du film. Charlotte, c’est un peu celle que j’aurais aimée être si j’avais vécu à cette époque là. J’ai voulu faire un film féministe, romantique sur un type. Et il y a ce médecin progressiste, mais qui établit des diagnostics erronés pour hystérie. Et il nous faut un personnage qui nous dise que tout cela, c’est n’importe quoi. Parce que les gens de 1880 ne se disaient pas qu’ils étaient des Victoriens puritains, ils pensaient appartenir à l’avenir, comme nous aujourd’hui. Et puis un jour, quelqu’un fera un film sur nos stupides iPhone et on se dira que c’est la chose la plus ridicule qu’on n’ait jamais vue. Je voulais capturer cela. A l’époque, c’était nouveau, c’était excitant. C’était le tournant du siècle. Et tout arrivait en même temps, c’est aussi l’âge de l’électricité.
 

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Oh my God sort ce 14 décembre en salles en France.

 

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