Ce qu’aimer veut dire. Derrière ce titre pour un roman à quatre sous ne se cachent pas les mémoires prématurées de l’omniprésent acteur Vincent Lindon. C'est l'histoire de son cousin, le journaliste et écrivain Mathieu Lindon qui obtient ainsi le Médicis 2011. Son premier livre, Nos plaisirs, paru en 1983, le romancier a été obligé de le publier sous un pseudonyme, Pierre-Sébastien Heudaux, suite aux pressions exercées par son père, Jérôme Lindon, le patron autant mythique qu’autoritaire des éditions de Minuit qui avait publié Duras et Robbe-Grillet. Le père austère, décédé en 2001, et son fils cadet, adepte de la joie de vivre, entretenaient des relations très compliquées qui nourrissent aussi le propos de Ce qu’aimer veut dire. « Il n’ya pas à différencier l’amour qu’on a pour un père, l’amour qu’on a pour un amoureux et l’amour qu’on a pour un amant » a expliqué Mathieu Lindon après avoir reçu le prix Médicis.
Né le 9 août 1955 à Caen, critique littéraire à Libération depuis 1984, c’est son roman Prince et Léonardours en 1987 qui avait finalement sorti Mathieu de l’emprise de son père. Un livre qui frôlait l’interdiction par le ministère de l’Intérieur, parce que Lindon y raconte les viols et les tortures subis par un couple d’adolescents amoureux.
Mais, selon lui, c’est surtout sa rencontre, à 23 ans, avec le philosophe Michel Foucault qui sera décisive pour sa carrière et son univers sentimental, homosexuel et intellectuel. C’est dans l’appartement rempli de livres de Michel Foucault, rue de Vaugirard, que Mathieu Lindon prend son envol. Ils deviennent de plus en plus amis, mais jamais amants. Lindon a le sentiment de pouvoir rééquilibrer avec Foucault sa vie et faire face à son père. Il avoue que sa jeunesse « débute plus ou moins quand je deviens ami avec Michel et se finit à sa mort. »
« Michel est comme un père pour moi, au sens de créateur » définit-il le rôle central de Foucault dans sa vie d’écrivain. Paradoxalement, c’était lui qui avait trouvé le pseudonyme Pierre-Sébastien Heudaux pour le premier livre de Mathieu Lindon. Ce qu’aimer veut dire est le 19e livre de l’auteur. Cet homme, échappé d’une époque et d’un cercle intellectuel que le sida et les drogues dures ravageaient, nous laisse de son vivant une lettre posthume plein de vie.
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Mathieu Lindon : « Ce qu’aimer veut dire », P.O.L., 352 pages.