Une jeune fille, ou une femme non mariée, se fait appeler « Mademoiselle » et doit attendre de passer une bague à son annuaire gauche, ou en tout cas d’avoir un certain âge, pour se faire donner du « Madame ». Un homme non marié, quel que soit son âge, se fait lui appeler « Monsieur » en toutes circonstances. Et sûrement pas « Mon Damoiseau ».
C’est en somme la démonstration que font deux associations féministes, les nouvelles venues d’Osez le féminisme ! (créée en 2009) et les historiques Chiennes de garde, dans une campagne commune lancée le 27 septembre 2011. Sur le site Madame ou madame créé pour l’occasion, elles expliquent que la «distinction Madame/Mademoiselle n’est ni flatteuse, ni obligatoire », et qu’elle est « surtout le signe du sexisme ordinaire qui perdure dans notre société ». Selon elles, cette double appellation est par ailleurs « une réminiscence de l’époque où les femmes passaient, avec le mariage, de l’autorité de leur père à l’autorité de leur mari ». Conséquence : Osez le féminisme ! et les Chiennes de garde demandent que le seul « Madame » soit rendu obligatoire, quel que soit l’âge et la situation de la personne.
Discrimination envers les femmes
Pour Laurence Waki, auteure de Madame ou mademoiselle (éditions Max Milo), on impose une identité « soit en fonction de l'âge soit du statut matrimonial »,ce qui est « insupportable ». « Implicitement, on vous dit que vous n'êtes pas finie tant que vous n'êtes pas mariée », analyse-t-elle.
Osez le féminisme ! et les Chiennes de garde citent d’ailleurs en exemple d’autres pays qui ont aboli ou du moins abandonné la distinction depuis plusieurs années comme le Danemark, l’Italie, l’Allemagne ou les Etats-Unis. Au Canada, le terme serait même selon elles assimilé à « une insulte ».
L'argumentaire s’appuie également sur la loi… qui justement ne mentionne pas le terme de civilité « Mademoiselle ». Il n’y a donc rien d’obligatoire à demander de choisir entre « Madame » et « Mademoiselle ». Mais pourtant cette distinction fait encore largement partie du quotidien des Français. « Depuis 40 ans, pas moins de deux circulaires et huit questions au gouvernement ont été publiés sur ce sujet », notent les deux associations féministes. Ainsi en 1983, la ministre du Droits des femmes Yvette Roudy jugeait que « l’existence des deux termes différents pour désigner les femmes mariées et celles qui ne le sont pas constitue une discrimination à l’égard des femmes puisqu’une telle différenciation n’existe pas pour les hommes ».
Du bruit sur Twitter
Le lancement de la campagne a fait le buzz sur internet et a suscité une vague de réactions. Si certains manifestent leur enthousiasme, d’autres sont plus circonspects : « Mademoiselle, c'est la jeunesse, cet impératif sans lequel on n'est, d'autant plus si on est une femme, pas grand chose dans notre société actuelle. À l'inverse, Mademoiselle, associé à un âge certain, c'est le qualificatif qu'on donne à celle qui n'a pas su trouver chaussure à son pied », note Dom.B sur le site Le Plus.
Sur le blog féministe Les Entrailles de Mademoiselle, Mademoiselle S. rappelle que certains insistent pour se faire appeler « Mademoiselle » : « déjà, il faut savoir pourquoi certaines femmes tiennent à se faire appeler Mademoiselle : est-ce par coquetterie ; pour affirmer son indépendance en disant ‘ j’ai 28 ans, je ne suis pas mariée et je vous emmerde ’ ; ou au contraire pour dire qu’on cherche à se marier ? ».
Campagne de « comm' »
D’autres réactions sont plus sévères, comme celle d’Olivia Cattan de l'association Paroles de Femmes, qui ne voit pas cette question comme une priorité. « Ca ne va pas régler les problèmes des femmes, les violences, la précarité, c'est un coup de comm' », estime-t-elle. A son instar de nombreuses critiques mettent en avant le caractère peu prioritaire de cette campagne. En réponse, sur Twitter, Valérie CG, qui tient le blog Crepegeorgette, note que, « qu'on parle viol ou langage, le féminisme est toujours discrédité. C'est quand même étonnant ».
Et sur le site de micro-blogging, d’ailleurs, les réactions ont afflué et certains ont pris le débat avec humour : Maître Eolas suggère ainsi d’en revenir « au bon vieux ‘ citoyen, citoyenne ’ », alors que d’autres proposent de « supprimer ‘ Madame ’ pour rajeunir tout le monde ». Un autre internaute se dit plutôt pour la réintroduction du mot « damoiseau » que pour la surpression de « mademoiselle, qui est un très joli mot ». Certains poètes y perdraient sans doute une occasion de déclamer leurs vers.
Reste que, comme pour sa campagne précédente sur le clitoris, l’association Osez le Féminisme !, cette fois en binôme avec les Chiennes de garde, semble avoir réussi à faire réagir massivement médias et internautes : quel que soit le résultat de la mobilisation, c’est sans doute déjà pour elles une première victoire.