RFI : Paris Plages devient-il « Paris Peintures » avec le peintre Troy Henriksen ?
Jean-Christophe Choblet : C’était vraiment important pour moi. Comme c’est les dix ans de Paris Plages, je voulais revenir à mes dix ans à moi, à mon enfance. Troy Henriksen travaille beaucoup sur l’idée de l’enfance. Quand j’ai rencontré son œuvre, cela m’a aidé à revenir à ma propre enfance. Donc j’ai travaillé avec lui sur le graphisme de Paris Plages. Je me suis avancé sur l’idée : qu’est-ce qui me ferait plaisir si j’étais enfant à Paris cet été ? L’idée de la très grande plage était pour moi évident.
RFI : Paris Plages a joué souvent un rôle précurseur sur le plan urbanistique. Cette année, qu’est-ce qui est prémonitoire ?
J.-C. C. : Bertrand Delanoë, le maire de Paris, a un projet pour les quais de la Seine, rive gauche, de fermeture définitive pour les voitures. Je pense que Paris Plages a un peu initié le principe de ne plus avoir des voitures sur les quais de Seine à certains endroits. Et les Parisiens ont adhéré à cette idée. Paris Plages, c’est toujours le début d’une histoire. Je pense que la suite de l’histoire sera l’aménagement des quais de Seine en 2012.
RFI : Les artistes mélangent l'imaginaire et réel. Quelle est l'influence de Paris Plages sur l’aspect urbanistique de Paris ?
J.-C.C. : On s’en fout. On n’est plus là. L’intérêt n’est plus de savoir si on est dans le réel ou le virtuel. La question est de savoir si on est capable de transformer l’espace public en autre chose qu’à ce pourquoi il a été fait. Ici, on est capable de transformer une autoroute urbaine en espace public éphémère qui s’appelle Paris Plages. Cette ville a besoin de cette capacité à réagir, à d’autres usages en fonction des gens. L’été, les gens ont besoin d’autres choses que la voiture ici. Donc on leur propose autre chose. Je pense qu’on peut aller plus loin. Les quais de Seine seront cela : continuer à proposer d’autres usages en fonction des moments de l’année. Toute l’année. Il ne s’agit pas de faire Paris Plages toute l’année. Ce n’est pas intéressant. Mais, à un moment donné, on a peut-être besoin des logements d’étudiants, des systèmes de sport plus développés, etc. C’est vraiment la programmation de l’espace public avec des principes de l’éphémère.
RFI : Quel est le rôle des artistes dans cette démarche et qu’est-ce qui reste de leur travail après Paris Plages ?
J.-C.C. : Ce sont toujours les artistes qui ont une vision qui dépasse largement les gens de la ville. Les artistes vous aident à avoir une vision que vous n’auriez pas. C’est cela qui est important. Un artiste voit toujours quelque chose parce que dans le monde dans lequel il est né il lui manque toujours quelque chose, une image, une idée… C’est grâce à cela qu’on va faire avancer la ville. La trace, c’est le concept-même, au-delà d’objets véritables.
RFI : Certains reprochent à Paris un certain façadisme, un phénomène propre à l’urbanisme parisien. Paris Plages, est-ce aussi une façade et une certaine apparence culturelle qui cachent plus qu’elles dévoilent ?
J.-C.C. : Ici, il y a une expression plus libre, parce que c’est l’intérêt de cette opération. Après, je pense que Paris, comme toutes les grandes villes du monde, se frotte toujours aux artistes. Et les artistes viennent « embêter » la ville, viennent « embêter » Paris. On aimerait bien légiférer les artistes, mais à chaque fois ils débordent. Et c’est tout l’intérêt. C’est la force des villes comme Paris ou New York, Londres ou Tokyo. Aujourd’hui, des zones comme ici, ce sont des zones d’expressions possibles.
RFI : En 2010, l’exposition Dreamlands au Centre Pompidou montrait la mutation des grandes villes qui cessent d’être uniquement utiles, mais qui évoluent, des parcs d’attraction aux cités du futur. Paris Plages fait-il partie de cette évolution ?
J-C.C. : Je pense, qu’on ne peut pas faire qu’une ville de loisirs. Cela n’a pas de sens. Avec Paris Plages, j’ai inventé le concept d’une rupture urbaine. Ce n’est pas un parc d’attraction. Cela ne m’intéresse pas. Ce qui m’intéresse est comment on est capable de créer un espace public éphémère, d’équité sociale, donc de gratuité, un temps donné. On a toujours besoin d’une thématique parce que cela fait rêver. Comment on donne du sentiment ? Comment on est capable de bousculer la ville avec une idée comme Paris Plages ?
En ce moment, je suis en train de créer la première biennale du mobilier urbain à La Défense. La Défense, c’est un lieu de travail. Ce sont 170 000 salariés. La question qu’on m’a posée est : comment on peut amener du confort dans les espaces de non-travail. J’ai dit : en équipant. Il faut équiper d’une autre façon. J’ai invité un tas d’artistes à réfléchir à un mobilier qui permettrait cette rupture entre le moment du travail et le moment du non-travail.
La 10e édition de Paris Plages se déroule du 21 juillet au 21 août 2011.