Tron : une affaire de trop

Après l’affaire Strauss-Kahn, les plaintes déposées contre Georges Tron pour agression sexuelle et viol ont provoqué un nouveau choc dans le monde politique français. Le secrétaire d’Etat en charge de la Fonction publique a fait les frais de ce climat de scandales sexuels à répétition, où les tabous tombent sur les relations entre les hommes de pouvoir et les femmes. Il a dû démissionner du gouvernement.

Cette fois-ci, cela n’a pas traîné. Georges Tron a été poussé vers la sortie du gouvernement en quelques jours. L’annonce de sa démission a eu lieu dimanche par l’intermédiaire d’un communiqué de Matignon expliquant que le Premier ministre prenait « acte » de la décision de son secrétaire d’Etat et saluait « son sens des responsabilités », tout en précisant que la démission de Georges Tron ne préjugeait en rien « des suites qui seront données aux plaintes » déposées contre lui.

Les formes ont donc été préservées mais il semble bien que Nicolas Sarkozy et François Fillon n’ont pas vraiment laissé le choix à Georges Tron, qui aurait préféré, au nom de la présomption d’innocence, avoir un délai pour essayer de se défendre avant de quitter le gouvernement. Une option qui n’a pas été retenue par l’exécutif. Car il n’était pas question de prendre le risque de laisser pourrir cette affaire bien embarrassante et de donner prise à une nouvelle polémique préjudiciable pour la majorité à un an de la présidentielle.

Georges Tron sacrifié

En décidant de sacrifier Georges Tron sans attendre, contrairement à ce qui avait été fait dans les cas, très différents il est vrai, d’Eric Woerth et Michèle Alliot-Marie, Nicolas Sarkozy et François Fillon ont essayé de ne pas perdre l’avantage politique que les accusations portées aux Etats-Unis contre Dominique Strauss-Kahn avaient donné à la majorité. Avec le favori du Parti socialiste pour la présidentielle mis hors course par une grave affaire de mœurs, la droite avait commencé à se réapproprier le champ politique de la morale et Nicolas Sarkozy à améliorer son image. Le fait qu’un membre du gouvernement soit lui aussi sous le coup d’une accusation d’agression sexuelle et de viol présumé était donc susceptible de rebattre les cartes dans le mauvais sens. Reste à savoir si la réaction rapide de l’exécutif aura été suffisante pour empêcher la majorité de subir, elle aussi, le contrecoup de ce scandale.

Car avec ces affaires, ce qui émerge c’est bien le problème de l’attitude des hommes de pouvoir en général, des responsables politiques en particulier, avec les femmes. Un sujet qui relevait jusqu’ici de la « vie privée » et qui, de ce fait, faisait en France l’objet d’une grande discrétion, presqu’un tabou. Mais les choses semblent avoir rapidement changé. L’ancien Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, a été l’un des premiers à estimer qu’il y aurait « un avant et un après DSK ». Une chose est sûre : le fait qu’une femme de chambre d’origine guinéenne ait le courage de s’en prendre à un homme aussi puissant que Dominique Strauss-Kahn - même si pour le moment les faits ne sont bien évidemment pas prouvés et que DSK bénéficie de la présomption d’innocence - a produit un électrochoc. Les accusatrices de Georges Tron, deux anciennes employées de la mairie de Draveil, ne s’en sont pas cachées : l’affaire DSK les a influencées.

Le risque de boule de neige

Du coup, une question se pose. Les accusations vont-elles se multiplier et toucher tous les camps ? La suite des événements le dira. Mais déjà, certaines femmes politiques ont mis en garde. Ainsi Rachida Dati qui, sur le plateau de la chaîne Canal+, a déclaré : « Je pense qu’il y en a beaucoup qui doivent être un peu stressés… qui regardent leurs pompes en disant vivement qu’on passe à autre chose. »

Il est vrai que les réactions à droite comme à gauche ont été mesurées. Personne ne semblant vouloir tirer avantage de manière trop ostentatoire de ce genre d’histoires. Dans la majorité, le mot d’ordre sur l’affaire DSK avait été la « retenue ». Et au Parti socialiste, la démission de George Tron a été commentée avec modération. François Hollande a, par exemple, estimé que c’était mieux « pour assurer sa défense ». Benoît Hamon a certes évoqué des accusations « graves » mais en insistant aussi sur le respect de la présomption d’innocence. Seule Marine Le Pen attaque à chaque fois avec virulence sur le thème du « tous pourris ». Mais pour le moment, cette stratégie ne semble pas profiter dans les sondages à la présidente du Front national.

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