Un débat sur l’islam pour contrer le Front national

Nicolas Sarkozy a demandé à l’UMP d’organiser une convention sur le respect de la laïcité, la place des religions en France et plus particulièrement celle de l’islam, deuxième religion nationale. Le chef de l’Etat réclame « des mesures concrètes ». Objectif assumé, à un an de la présidentielle : couper l’herbe sous le pied du Front national.

Le 10 décembre 2010, Marine Le Pen compare les prières des musulmans dans la rue à une nouvelle forme « d’occupation », dans une allusion directe à la Seconde Guerre mondiale. Le propos choque. La polémique est lancée, inversement proportionnelle à la réalité du phénomène. Marine Le Pen a réussi son coup : stigmatiser l’immigré, forcément musulman, forcément islamiste, forcément prosélyte. Et surtout imposer le débat de l’islam dans l’agenda politique et médiatique. La fille de son père récolte les fruits du scandale. Sa popularité est en hausse. Et l’inquiétude pointe à l’Elysée.

« Racines chrétiennes » et « échec du multiculturalisme »

Dans sa stratégie de réélection l’an prochain, Nicolas Sarkozy espère, comme en 2007, « siphonner » l’électorat du Front national. Pas question, dans ces conditions, de laisser à Marine Le Pen le monopole de l’islam. D’où le feu vert donné à l’UMP en début de semaine pour l’organisation d’une convention le 5 avril sur la laïcité et la place des religions – comprendre en fait la place de l’islam en France. « Il n’est pas question d’avoir une société française qui subirait un islam en France », déclarait Nicolas Sarkozy la semaine dernière lors de sa rencontre télévisée avec quelques Français. La cause est entendue, et fait directement écho aux « racines chrétiennes » de la France défendues par le chef de l’Etat au Vatican dans son discours du 20 décembre 2007.

Emboitant le pas des Premiers ministres conservateurs allemand et britannique, Angela Merkel et David Cameron, Nicolas Sarkozy a d’ailleurs publié au cours de la même émission le faire-part de décès du « multiculturalisme » en France – si tant est que ce concept n’ait jamais existé au pays de la laïcité. Son Premier ministre François Fillon, lui, a ressuscité ce bon vieux terme d’ « assimilation » des immigrés. Tandis que l’interdiction de la burqa dans l’espace public fut décrétée quasi cause nationale, au printemps 2010, pour quelques centaines de cas recensés. Sans parler du débat sur l’identité nationale mis en musique par le ministre de l’Immigration Eric Besson à l’automne 2009, au prix de quelques dérapages incontrôlés.

Dans les pas de Marine Le Pen

« L’erreur serait de ne pas traiter cette question », explique le patron de l’UMP Jean-François Copé, qui paraphrase la célèbre phrase de Laurent Fabius  : « Marine Le Pen soulève des problèmes, mais travaille assez peu les solutions. » « Nier que les Français considèrent que l’islam est un problème, ce serait nier la réalité », concède Benoît Hamon, qui remarque que « l’extrême droite fait ses meilleurs scores en Europe quand elle parle d’islam ». Mais au Parti socialiste, on n’entend tomber dans aucun « piège ». « La laïcité n’est pas lepénisable », dénonce le Parti communiste, pour qui le pouvoir parle de laïcité pour mieux stigmatiser l’islam.

Nicolas Sarkozy, président autoproclamé « protecteur », entend donc rassurer une population affolée par les vents de la mondialisation. Mais le chef de l’Etat et l’UMP donnent surtout le sentiment de courir derrière Marine Le Pen. En terme électoral, le débat sur l’identité nationale, suivi du discours de Grenoble sur la sécurité, avait surtout légitimé les positions du FN. Alors si vous avez aimé le débat sur l’identité nationale, vous adorerez le débat sur les religions.

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