Le gouvernement français critiqué sur son peu de réaction à propos des événements en Tunisie

La rapidité de la révolution tunisienne a pris la France de court. Paris n’a pas réagi assez vite et assez fermement pour condamner la répression sanglante des manifestations organisées par la police aux ordres du président Ben Ali. Résultat : l’opposition a condamné cette attitude jugée trop prudente et le gouvernement a dû se justifier.

Tout est allé très vite en Tunisie. Trop vite, semble-t-il pour que la France adopte le ton juste. C’est en tout cas ce qui ressort des explications fournies par la ministre des Affaires étrangères Michèle Alliot-Marie lors de son audition, mardi 18 janvier 2011, devant la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale. Elle a ainsi déclaré : « La France pas plus que d’autres pays n’avait vu venir ces événements ». Et de poursuivre : « Soyons honnêtes, nous avons tous, hommes politiques, diplomates, chercheurs, journalistes été surpris par la révolution du jasmin ».

Autrement dit, personne ne croyait à Paris que le régime autoritaire du président Ben Ali succomberait aussi rapidement, malgré l’ampleur du mouvement de protestation d’une jeunesse asphyxiée et les manifestations à répétition. C’est vraisemblablement ce manque de clairvoyance sur l’état réel du pays et les liens étroits entretenus de longue date entre la France et la Tunisie qui ont poussé Michèle Alliot-Marie à proposer, le 11 janvier dernier à l’Assemblée nationale, de mettre à disposition du gouvernement tunisien « le savoir-faire » de la France en matière de sécurité et de maintien de l’ordre. Une proposition qui a déclenché une vague de protestations dans la classe politique française.

« Scandaleux »

Dans l’opposition, les condamnations ont été nombreuses. Ségolène Royal a estimé que ces propos étaient « scandaleux… venant en soutien d’une dictature ». Laurent Fabius a affirmé qu’il s’agissait d’une « grave faute ». Cécile Duflot a réclamé « des excuses au peuple tunisien ». Et quelques voix se sont même élevées à droite pour critiquer Michèle Alliot-Marie, comme celle de Christine Boutin pour qui la ministre des Affaires étrangères a commis « une faute politique ».

Mais au-delà de la « maladresse » de Michèle Alliot-Marie, c’est aussi l’incapacité de la France à se désolidariser assez rapidement d’un régime dictatorial et l’absence de condamnation ferme de la répression violente des émeutes qui ont été reprochées au gouvernement. La Première secrétaire du Parti socialiste, Martine Aubry, a ainsi dénoncé « le silence assourdissant » de Paris, ajoutant : « J’aurais aimé que le président de la République ou le Premier ministre condamnent la répression, ils ne l’ont pas fait. La France a été défaillante par rapport au peuple tunisien qui est un peuple ami, c’est insupportable ».

Une condamnation tardive

Il est vrai qu’il a fallu attendre la chute du président Ben Ali et sa fuite vers l’Arabie saoudite pour que la France apporte officiellement son soutien « à la volonté de démocratie » exprimée par les Tunisiens et marque ce revirement en refusant l’accès au territoire français au président déchu et à sa famille, puis en bloquant ses avoirs financiers. Jusque-là, la seule ébauche de condamnation était venue de François Fillon, lors d’un déplacement à Londres, le 13 janvier, au cours duquel le Premier ministre avait invité le gouvernement tunisien à en finir « avec l’utilisation disproportionnée de la violence ».

Cette attitude « prudente » a été justifiée par le gouvernement. François Fillon a regretté, mardi à l’Assemblée nationale, les attaques du Parti socialiste sur les propos de Michèle Alliot-Marie et l’a accusé d’une « exploitation peu honnête ». Alain Juppé avait auparavant affirmé que, selon lui, il n’y avait « pas eu de défaillance du gouvernement ». Le ministre de la Défense a refusé toute idée d’autocritique. Mais il a tout de même reconnu que la France avait « sous-estimé le degré d’exaspération et de révolte du peuple tunisien face à un régime qui était un régime policier ». L’un des conseillers de Nicolas Sarkozy, Henri Guaino, a lui justifié cette attitude attentiste en déclarant : « Imaginez que la France intervienne dans un Etat qui est un ancien protectorat français, qu’aurait-on dit ? » Autrement dit : Paris a respecté le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures d’un Etat souverain. Un principe à application variable suivant les pays.

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