Avec nos envoyées spéciales en Tunisie,
C’est un gouvernement inédit pour la Tunisie, indéniablement un gouvernement d’ouverture. Trois opposants au président Ben Ali sont nommés ministres, ce n’est pas négligeable, et des personnalités indépendantes issues de la société civile ont aussi été associées telles que Moufida Tlatli, une réalisatrice tunisienne nommée ministre de la Culture ou encore le cyberdissident Slim Amamou, emprisonné quelques jours début janvier.
Mais l’ouverture véritable et l’unité nationale, auraient supposé que l’on associe les représentants de partis non reconnus, comme les communistes, ou encore les islamistes. Ce sont eux qui ont le plus lutté contre le régime Ben Ali or ils n’ont même pas été consultés. L’opposant historique Moncef Marzouki qualifie d’ailleurs ce gouvernement de «fausse ouverture». Ce qu’il dénonce, c’est le maintien de plusieurs ministres en poste sous le régime du président Ben Ali. Le RCD, Rassemblement constitutionnel démocratique au pouvoir, conserve en
effet plusieurs postes importants parmi lesquels celui de l’Intérieur, le ministère qui sera chargé de l’organisation des futures élections, dans six mois. On a coupé la tête mais le canard court toujours, dit Taoufik Ben Brik, le journaliste opposant au régime du l'ancien président Ben Ali.
Ce gouvernement est le signe que le Premier ministre n’a pas été sensible à la volonté du peuple de déraciner l’ancien système. La rue, qui a gagné la bataille et s’est soulevée seule, sans l’aide des partis politiques, ne veut plus de ces hommes là. Des manifestations ont éclaté avant même l'annonce du gouvernement avec pour slogan «il faut briser le RCD» et un appel à prendre le siège du parti dans la capitale a été lancé. En somme, loin d'apaiser la population, ce nouveau gouvernement frustre tous ceux qui espéraient vraiment tourner la page.