Avec notre envoyée spéciale à Minsk, Muriel Pomponne
C’est dans le fastueux Palais de l’indépendance de Minsk que se joue l’avenir de l’Europe. Dans cette immense bâtisse toute de verre et de marbre inaugurée il y a un peu plus d’un an, le président biélorusse, souvent qualifié de dernier dictateur d’Europe, accueille les chefs d’Etat russe et ukrainien, François Hollande et Angela Merkel. C’est la première fois depuis 76 ans qu’un chef de gouvernement allemand foule le sol biélorusse, la première fois depuis Georges Pompidou en 1973 qu’un président français se rend à Minsk.
Mais l’enjeu vaut bien de passer outre le fait qu'Alexandre Loukachenko est persona non grata dans l’Union européenne. Ce sommet doit constituer « un tournant pour le meilleur ou pour le pire », a résumé la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, tandis que le président français a justifié les intenses démarches diplomatiques en cours pour tenter d’éviter que l’Ukraine ne sombre dans une « guerre totale ».
Ballet de dirigeants européens
La traditionnelle photo de famille a duré à peine assez de temps pour que les photographes l’immortalisent. A la gauche d’Alexandre Loukachenko, chef d’Etat du pays hôte, les quatre dirigeants Vladimir Poutine, François Hollande, Angela Merkel, et enfin Petro Porochenko, semblent soucieux et ne s’attardent pas. Ils sortent d’un entretien quadripartite pendant lequel Vladimir Poutine et Petro Porochenko se faisaient face, tandis que le couple franco-allemand semblait jouer les chaperons.
La poignée de mains entre les deux hommes a été glaciale. Le président ukrainien est même sorti de la salle pendant quelques instants, le regard noir, ce que certains ont interprété comme un mouvement d’humeur. Il n'avait pas discuté face à face avec le président russe depuis le 26 août. La rencontre s’était alors mal passée et les séparatistes avaient repris l’offensive, avant que ne soit signé le protocole de Minsk, le 5 septembre, qui n’a jamais été respecté. Viktor Orban se rendra lui à Kiev vendredi pour y rencontrer le président ukrainien. Le Premier ministre hongrois cultive de bonnes relations avec la Russie et ambitionne de faire le pont entre les deux pays.
Ce mercredi soir, après une heure et demie d'entretiens, les discussions se sont poursuivies de façon élargie avec les délégations. Les quatre chefs d'Etat et leurs conseillers, enfermés dans une salle aux imposantes colonnes de marbre, discutent pied à pied depuis plusieurs heures le document que leurs diplomates ont préparé pendant plusieurs jours.
47 morts en une journée
Mardi 10 février, les combats ont encore fait 47 morts. Pour tenter de faire cesser durablement les violences, les diplomates travaillent d’arrache-pied depuis quelques jours, mais les négociations seraient particulièrement difficiles. A Moscou, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a fait état de « progrès notables », mais les Allemands et les Français sont plus prudents. Le principal point d’achoppement serait le contrôle de la frontière entre la Russie et l'Ukraine. Petro Porochenko a annoncé qu’en cas d’échec, la loi martiale serait instaurée sur l’ensemble de l’Ukraine.