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Est-ce l'assaut final de l'armée tant attendu - et en même temps redouté, pour les dégâts qu'ils pourraient causer ? En tout cas, les forces gouvernementales semblent décidées à frapper un grand coup pour venir à bout des groupes rebelles. Pour la première fois, le centre-ville de Donetsk a été touché par des tirs à l'arme lourde, ce jeudi après-midi. Les deux camps se rejettent la responsabilité. Ces bombardements ont endommagé plusieurs bâtiments : un immeuble de bureaux, une université et les sièges du parquet et de la police, occupés par les insurgés. Selon les séparatistes, un responsable de l'université et un chauffeur sont morts.
Selon des témoins, de fortes explosions retentissent à intervalles réguliers. Dans l’hyper centre-ville, les vitres des immeubles se mettent à trembler, signe que les obus ne tombent plus très loin.
L’envoyé spécial de Radio France à Donetsk, Philippe Randé, relate qu'un obus a touché le toit de l’administration régionale de Donetsk, QG des séparatistes pro-russes. « Les séparatistes qui occupent ce bâtiment de onze étages depuis plusieurs mois ont décidé de l’évacuer par peur de nouveaux bombardements », assure-t-il pour se réfugier dans des abris souterrains. Mais c'est près de l'Université polytechnique que les bombardements ont été les plus intenses.
Les cartes rebattues ?
Jeudi dans l’après-midi, l'armée a affirmé avoir par ailleurs regagné la route menant de Lougansk à la frontière russe. Les forces gouvernementales ont repris aux insurgés le village de Novosvitlivka, permettant de « couper la dernière connexion routière entre la ville de Lougansk et d'autres territoires contrôlés par les mercenaires russes, en particulier le point-frontière de Izvaryne », assure le porte-parole militaire Andriï Lyssenko, qui déclare aussi que les forces de Kiev ont entièrement encerclé le bastion rebelle de Lougansk lui-même.
Peu de temps après que ces informations soient rendues publiques, le « ministre de la Défense » séparatiste, principal chef militaire rebelle, a donné sa démission sur le site officiel de la république populaire de Donetsk autoproclamée. Il sera remplacé par Vladimir Kononov. Igor Girkine, surnommé « Strelkov » (« le tireur »), était la figure la plus emblématique de la rébellion séparatiste pro-russe. On le disait grièvement blessé. L’homme à la fine moustache n’était plus apparu en public depuis plusieurs jours, ce qui alimentait les spéculations sur son sort.
Citoyen russe, Igor Strelkov avait reconnu avoir été jusqu’en mars 2013 officier du FSB, les services de sécurité intérieure de la Fédération de Russie. Kiev considère qu’il est agent du GRU, les services du renseignement militaire de Moscou. Il s'agit de la troisième démission en une semaine parmi les cadres de l'insurrection. Jeudi matin, c’est Valery Bolotov, chef des séparatistes de la région de Lougansk, qui avait décidé de partir, des blessures l'empêchant d'assumer ses fonctions. Et la semaine dernière, son homologue de Donetsk, Alexandre Borodaï, lui aussi citoyen russe, en avait fait de même.
Aide humanitaire : la guerre des convois
L'accélération des opérations ukrainiennes, qui semble donc porter un coup violent au front séparatiste, survient au moment où un controversé convoi de 300 camions russes, de nature humanitaire selon Moscou, s’approche de la frontière ukrainienne dans la région de Rostov-sur-le-Don. Les autorités russes n’ont rien fait pour lever les craintes de Kiev, qui redoute une opération militaire déguisée. Les responsables ukrainiens ont prévenu qu'ils ne laisseraient passer le convoi qu'à condition qu'il soit inspecté par les gardes-frontières ukrainiens. Or, aux dernières nouvelles, les camions russes se dirigeaient vers un point de passage contrôlé par les rebelles.
Les populations civiles de Donetsk et Lougansk ont été durement éprouvée par les combats des dernières semaines. Outre les 74 morts civils dans la région de Donetsk depuis trois jours, il y a des pénuries de toute sorte, un manque d'eau potable, d'électricité et de soins médicaux. Face à cette situation, Moscou et Kiev semblent donc avoir engagé un véritable bras de fer : qui viendra en aide, le premier, à la population ? Les autorités ukrainiennes s'apprêtent elles-mêmes à donner le feu vert pour une distribution d'aide, avec la participation de la Croix-Rouge internationale. Kiev a envoyé son propre convoi en direction de Lougansk : 75 camions au total, avec 800 tonnes de produits de première nécessité.
Poutine n'exclut toujours pas l'usage de la force
L'homme fort du Kremlin semble adopter un ton plus conciliant sur l'Ukraine. Il dit notamment que le conflit doit cesser au plus vite. Il affirme aussi qu'il discute avec les dirigeants de Kiev et que Moscou ne doit pas s'isoler du reste du monde. Mais sur le fond, la rhétorique de Vladimir Poutine n'a pas changé. Il souffle le chaud et le froid, rappelant que la Russie, comme d'autres Etats puissants, dispose de différents moyens pour préserver ses intérêts nationaux, parmi lesquels ses forces armées.
Vladimir Poutine s'est exprimé depuis Yalta, en Crimée, où il recevait plusieurs députés de la Douma, la chambre basse du Parlement de Moscou et que ses propos n'ont pas été diffusés en direct par les télévisions russes. Les agences d'information de Moscou ont mis en exergue, sans doute, le message que le président Poutine voulait faire passer à l'opinion publique intérieure. Ainsi, l’agence Ria Novosti, proche du Kremlin, souligne le fait que la sécurité nationale du pays est une priorité et que Vladimir Poutine est décidé à tout faire pour la défendre. Une des options évoquées par le président russe est le retrait de son pays du traité de réduction des armes stratégiques (START).