Référendum en Crimée: les opposants appellent au boycott

Pas de surprise à New York. La Russie a opposé, samedi 15 mars, son veto au vote d'une résolution de l'ONU dénonçant la tenue ce dimanche d'un référendum en Crimée sur un rattachement à Moscou. La Chine s'est abstenue. La tenue du référendum paraît désormais inéluctable. Et sur place à Simferopol, les opposants à cette annexion affichent leur désarroi. Certains optent carrément pour un boycott de la consultation. Reportage.

Avec notre envoyé spécial à Simferopol, Daniel Vallot

C’est la communauté tatare, 12% de la population de Crimée, qui a été la première à lancer cet appel au boycott. Pas question de participer à un scrutin jugé totalement « illégal ». De toute façon, pour cette habitante de Simferopol les résultats du référendum seront truqués. Inutile donc à ses yeux à se rendre dans les bureaux de vote. « Je pense que personne ne va réellement compter ces bulletins de vote. Les drapeaux russes sont déjà sur tous les bâtiments et mon vote ne changera rien au résultat. Tout le monde considère que ce référendum est illégal, ça ne sert à rien d’y participer. »

Dimanche, les électeurs de Crimée auront le choix entre le rattachement à la Russie et une autonomie renforcée. Un choix tronqué, estiment les partisans de l’Ukraine. Cette autonomie renforcée, à leurs yeux, ce seraient en effet qu’un prélude à la sécession et au rattachement à la Russie. « En réalité, les deux questions posées reviennent au même, fait remarquer un homme. La seule différence, c’est que dans un cas la Crimée deviendra russe immédiatement, et dans l’autre ça se fera progressivement. »

C’est donc l’arme du boycott que les partisans de l’Ukraine vont utiliser dans ce référendum qui leur paraît joué d’avance. Une arme émoussée qui n’aura aucune conséquence aux yeux des autorités séparatistes. Celles-ci ont, en effet, décidé que le résultat du vote sera considéré comme valide, quel que soit le niveau de participation.

« Aucune valeur légale»

Le président François Hollande a qualifié l'opération de « pseudo consultation » sans « aucune valeur légale » et déclaré que tout devait être fait pour retrouver la voix de la négociation dans le respect de l'intégrité territoriale de l'Ukraine.

« Il y a une pseudo consultation de la population en Crimée, parce qu’elle n’est pas conforme au droit, au droit interne ukrainien et au droit international. Il ne peut pas y avoir une consultation organisée sur une partie du territoire sans que le gouvernement du pays en question ait été associé à l’organisation de ce scrutin. Or, tel est exactement le cas. C’est pourquoi, la France comme l’Union européenne ne reconnaîtra pas la validité de cette pseudo consultation. »

Et au sujet des sanctions, François Hollande a déclaré : « Il y avait une échelle de sanctions qui avait été définie par le Conseil européen, nous y étions. Et il y aura donc usage, s’il n’y a pas désescalade lundi, de ces sanctions qui, je vous le rappelle, portent sur les visas et sur les avoirs financiers d’un certain nombre de personnalités. »

Et toujours sur les sanctions, interrogé sur la pertinence d'une annulation des contrats de vente de navires militaires de type Mistral à la Russie, le chef de l'Etat a répondu qu'il s'agissait là du troisième niveau de sanction et qu'on en était qu'au premier. Concernant une réunion franco-russe prévue la semaine prochaine à Moscou dans le cadre des relations bilatérales entre les deux pays, François Hollande a déclaré qu'il attendait de connaître la position de Moscou à l'issue du référendum pour décider s'il maintenait ou non sa visite.

Le président français s'exprimait devant la presse à l'occasion de la réception à l'Elysée du président du Conseil italien Matteo Renzi.

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Ruée sur les banques

En attendant, les habitants de Crimée se ruent vers les banques pour retirer le maximum d'argent liquide avant que le pays ne change de monnaie et ne passe au rouble, comme l'a constaté notre envoyé spécial à Simferopol, Daniel Vallot.

Cela fait vingt minutes qu’il patiente devant cette banque du centre-ville. Cet étudiant de Simferopol veut retirer de l’argent pour le week-end mais, depuis deux jours, les distributeurs de billets sont littéralement pris d’assaut par les habitants de la capitale de Crimée. « Il y a une rumeur selon laquelle les banques vont fermer et que les gens n’auront pas leur argent, c’est pour ça que les gens paniquent et qu’ils font la queue comme ça. »

Devant le distributeur, tout le monde n’est pas d’accord avec cette explication. Pour Yelena, il y a bien une pénurie d’argent liquide, mais cette pénurie, ce sont les autorités ukrainiennes qui l’ont provoquée. « Moi, je pense que c’est la faute de la Banque centrale. Ils veulent discréditer le nouveau pouvoir en bloquant les retraits d’argent.
L’Ukraine ne veut pas de ce référendum, et ne veut pas que l’on puisse voter alors ils font tout pour discréditer notre nouveau gouvernement. En tous cas, c’est mon opinion. 
»

Pour Yelena, le nouveau pouvoir en Crimée a déjà tout prévu. « D’ailleurs, dit-elle, avec la Russie, nous aurons de meilleurs salaires et de meilleures conditions de vie ». Pas totalement rassurée, elle retire tout de même le maximum autorisé ce jour-là par sa banque : 2 000 grivnas, environ 150 euros. 

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