Le Conseil de la Fédération (Sénat russe) a approuvé à une très large majorité ce samedi le déploiement de forces armées dans la région ukrainienne de Crimée, en réponse à une demande du président Vladimir Poutine. La décision de recourir aux « forces armées de la Fédération de Russie sur le territoire de l'Ukraine jusqu'à la normalisation de la situation socio-politique dans ce pays » doit prendre effet immédiatement. La formulé employée est assez ambigüe. Le texte que les parlementaires russes ont voté autorise la Russie à utiliser ou bien les forces de la flotte russe de la mer Noire, qui se trouvent déjà en Crimée et qui comptent environ 20 000 hommes, ou bien d'autres troupes, en provenance de la Russie.
Mais les diplomates russes, pour leur part, tempèrent la décision du Parlement. Le vice-ministre des Affaires étrangères a ainsi fait savoir que l'adoption du texte ne signifiait pas « forcément » qu'elle serait rapidement mise en pratique. Dans un communiqué, le Kremlin a précisé que Vladimir Poutine n'avait pas encore pris sa décision sur le recours à l'armée russe en Ukraine.
Le président ukrainien par intérim, Oleksander Tourchinov, a convoqué en urgence les principaux responsables de la sécurité du pays, pour évaluer les réponses à apporter à ce qui ressemble bien à une déclaration de guerre, vu de Kiev, rapporte notre envoyée spéciale dans la capitale ukrainienne, Anastasia Becchio. Les responsables ukrainiens ont fait savoir que les unités militaires qui stationnent en Crimée avaient été mises en état d’alerte. De son côté, le député Vitali Klitschko, candidat à l’élection présidentielle, dénonce une agression russe et demande au Parlement de proclamer la « mobilisation générale ».
L’inquiétude est donc vive à Kiev et en particulier sur la place de l’Indépendance. « C’est un cauchemar », réagit une jeune femme, dont toute la famille vit en Crimée, qui dit redouter une partition de son pays. Sur la scène, les orateurs se succèdent pour évoquer la situation dans la région autonome, l’écran géant diffuse les dernières informations, la foule scande « la Crimée est Ukrainienne ». Régulièrement, des bulletins sont diffusés sur un écran géant. Plusieurs centaines de personnes sont là, sous la pluie. Les visages sont graves. « Le pays est réellement divisé », s’inquiète Antonina, la quarantaine, originaire de Crimée, qui explique que ses parents qui vivent à Sébastopol la considèrent comme une terroriste et une fasciste parce qu’elle a soutenu la révolution à Kiev : « voilà comment marche la propagande du Kremlin », dit-elle. « Nous devons être disciplinés et ne pas céder à la panique », a lancé un député de la tribune.
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L'inquiétude des chancelleries occidentales
« Il est temps pour la Russie de mettre fin à son intervention » en Ukraine, a affirmé ce samedi dans la soirée l'ambassadrice américaine à l'ONU, Samantha Power, lors d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité des Nations unies. « Les actions de la Russie en Ukraine violent la souveraineté ukrainienne et menacent la paix », a-t-elle ajouté en réclamant l'envoi « d'observateurs internationaux » en Crimée.
François Hollande à quant à lui appelé Vladimir Poutine « à éviter tout recours à la force », lors d'un entretien téléphonique samedi soir. Selon un communiqué de l'Elysée, le président français « lui a fait part de sa très vive préoccupation » et l'a appelé « à chercher avec la communauté internationale une solution de sortie de crise ». Le communiqué précise que François Hollande s'est entretenu également avec le président américain Barack Obama, le président du Conseil européen Herman Van Rompuy et la Chancelière Angela Merkel « sur la situation grave et inquiétante que connaît l'Ukraine ».
Le président américain a pour sa part demandé à Vladimir Poutine de replier ses forces dans leurs bases de Crimée, le mettant en garde contre un isolement international. Barack Obama a également signifié au président russe qu'il avait « violé la loi internationale ». Ce à quoi ce dernier a répondu que la Russie a « le droit » de protéger ses intérêts et citoyens.La conversation entre les deux chefs d'Etat, qui a duré près de 90 minutes, est intervenue alors que Barack Obama a réuni samedi après-midi en urgence son équipe de sécurité nationale pour examiner les options politiques sur la table. La Maison Blanche a ajouté que les Etats-Unis suspendront leur participation aux réunions préparatoires du G8 de Sotchi.