C’est la première fois que la Turquie reconnaît publiquement ne plus appliquer l’accord migratoire signé en mai 2016 avec l’Union européenne. Autrement dit, que ses garde-frontières ferment les yeux sur les passages de migrants, précise notre correspondante à Istanbul, Anne Andlauer.
Et c’est le président Recep Tayyip Erdogan lui-même qui a fait cette annonce en forme de défi à l’Europe. « Nous avons ouvert les portes. Et depuis, environ 18 000 personnes ont forcé les portes et sont passées. Mais ce chiffre devrait monter à 25 ou 30 000. A l’avenir, nous ne fermerons pas ces portes, et cela va continuer ainsi. Pourquoi ? L’Union européenne doit tenir ses promesses. »
Athènes indique de son côté avoir empêché 4 000 migrants venant de Turquie d'entrer « illégalement » en Grèce. Selon des témoignages recueillis par l'AFP, des milliers de migrants, notamment des Afghans, des Irakiens et des Syriens, ont passé la nuit à la frontière. La Turquie exige de l’Europe qu’elle l’aide à accueillir plus de trois millions et demi de Syriens, mais aussi à établir dans le nord de la Syrie une « zone de sécurité » pour renvoyer ces réfugiés et abriter les centaines de milliers de déplacés d’Idleb.
Pression aussi sur la Russie
Dans son discours, Recep Tayyip Erdogan s’est également montré intransigeant à l’égard du régime syrien et du président russe, Vladimir Poutine, avec lequel il s’est entretenu par téléphone vendredi. Rappelons que les pertes de jeudi - la mort de plus de trente soldats turcs dans des frappes du régime de Damas auquel la Russie est alliée- sont les plus importantes depuis l'intervention d'Ankara en Syrie en 2016.
« J’ai dit à monsieur Poutine : que faites-vous là-bas? Si vous voulez établir une base militaire, allez-y. Mais ôtez-vous de notre chemin, et laissez-nous face à face avec le régime syrien. Et nous ferons le nécessaire avec le régime. »
Derrière la défiance, Recep Tayyip Erdogan souhaite encore trouver un accord avec le président russe. Mais les deux hommes n’ont pas prévu de se rencontrer avant le 5 ou le 6 mars.
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