Avec notre envoyé spécial à Munich, Pascal Thibaut
Le ministre des Affaires étrangères français Jean-Yves Le Drian avait parlé vendredi à Munich d’un « mystère » entourant l’intention des Etats-Unis de se retirer de Syrie une fois l’organisation Etat islamique défaite. Un tel retrait pouvant favoriser l’influence de l’Iran dans la région alors que Washington critique Téhéran. Samedi matin, le vice-président américain Mike Pence a pressé les Européens à se retirer de l’accord sur le nucléaire iranien.
Ce à quoi Angela Merkel a rétorqué : « Est-ce-que nous contribuons à notre but commun en mettant fin au seul accord encore existant ? Ou bien est-ce plus judicieux de sauvegarder ce texte pour faire pression sur Téhéran sur d’autres dossiers ? »
Retrait américain de Syrie
La chancelière a aussi critiqué le retrait de Washington de Syrie. « Est-ce que c’est une bonne idée de la part des Etats-Unis de quitter immédiatement et aussi vite que possible la Syrie ou bien est-ce qu’un tel retrait ne permet pas à la Russie et à l’Iran d’augmenter leur influence sur place ? »
Le départ des 2 000 soldats américains de Syrie devrait intervenir dans les prochaines semaines, alors que le groupe Etat islamique est sur le point d'être vaincu dans son dernier réduit en Syrie.
Le vice-président américain Mike Pence s’est efforcé à Munich de rassurer ses alliés. « Les Etats-Unis conserveront une présence importante dans la région et continuerons à se battre avec leurs alliés pour lutter partout et à tout moment contre toute activité de l’organisation Etat islamique », a souligné Mike Pence.
« Pourquoi la Russie ne pourrait pas rester un partenaire ? »
Mais cela ne suffira sans doute pas à rassurer les alliés des Etats-Unis irrités par l’annonce d’un retrait rapide de Washington de Syrie. Les Américains leur demandent de constituer une « force d'observateurs » dans le nord-est du pays pour garantir la sécurité des alliés kurdes syriens, menacés par Ankara. Une proposition qui a reçu une fin de non-recevoir.
Quand sur le gaz russe et le nouveau gazoduc Nord Stream 2, Mike Pence affirme « Nous ne pouvons pas défendre l’Occident si nos alliés sont dépendants de l’Est », Angela Merkel a répliqué que « personne ne veut être complétement dépendant de la Russie. Mais si nous avons importé des quantités importantes de gaz russe durant la Guerre froide, pourquoi la situation aujourd’hui serait-elle bien pire et pourquoi la Russie ne pourrait pas rester un partenaire ? »
Angela Merkel a par ailleurs jugé « effrayant » que les Etats-Unis considèrent les automobiles européennes importées comme une menace pour leur sécurité nationale. Un mot fort pour une chancelière d’habitude très prudente. Son discours en faveur du multilatéralisme, qualifié d'« historique » par le quotidien Süddeutsche Zeitung a été ovationné à la conférence sur la sécurité de Munich où deux visions du monde se sont opposées.
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