Un groupe de neuf députés britanniques, élus nationaux, européens, et régionaux – la plupart écossais et tous anti-Brexit – avait saisi un tribunal à Édimbourg, qui, à son tour, a demandé à la Cour de justice de l’UE à Luxembourg s’il était possible pour le Royaume-Uni d’annuler sa décision et de rester dans l’Union européenne, si jamais le gouvernement et le parlement britanniques changeaient d’idée.
Statuant en procédure accélérée, les juges européens ont sans équivoque répondu à cette question par l’affirmative – et sans qu’il soit nécessaire d’obtenir préalablement l’autorisation des vingt-sept autres pays de l’UE. Le Brexit, qui, pour beaucoup Outre-Manche, paraissait irréversible, une fois lancé, peut donc être révoqué à tout moment d’ici au 29 mars de l’année prochaine.
Influence de la décision
Rien ne dit que tel sera le cas, mais la possibilité en est désormais officielle, ce qui aura nécessairement une influence sur l’opinion et sur les députés, qui doivent voter demain sur l’accord rapporté par Theresa May à l'issue des négociations avec l'UE, rappelle notre bureau de Bruxelles.
Tout en saluant, dans le contexte du Brexit, ce qui leur paraissait être une évidence, les milieux européens se montrent cependant réservés quant à l’usage de cette décision de justice que pourraient faire, par exemple, les Hongrois ou les Italiens, tentés de pratiquer une espèce de chantage à l’Article 50, chaque fois que leurs exigences seraient rejetées par les autres pays de l’UE.
Insatisfaction sur le texte
Cet arrêt, qui apporte de l'eau au moulin des Britanniques opposés au Brexit, tombe mal pour Theresa May. La Première ministre risque fort de voir l'accord âprement négocié avec Bruxelles durant 17 mois être recalé au Parlement mardi soir.
Le texte déçoit aussi bien les europhiles espérant encore pouvoir faire marche arrière que les plus ardents « Brexiters », qui redoutent une forme d'amarrage permanent à l'UE, en raison de l'alignement sur les règles européennes qui serait mis en place en Irlande du Nord si Bruxelles et Londres ne parviennent pas à s'entendre sur leur future relation.
Report du vote ?
Après trois premiers jours de débats devant la chambre des Communes la semaine dernière, le gouvernement conservateur doit déployer d'ultimes efforts lundi et mardi pour tenter de convaincre les députés du bien-fondé du compromis, mais les chances d'y parvenir semblent bien minces.
Au point que les spéculations allaient bon train lundi dans la presse sur la possibilité de reporter le vote, comme plusieurs ministres auraient exhorté Theresa May à le faire. « Une décision sur un report du vote semble imminente », a notamment tweeté le rédacteur en chef du service politique du Sun, Tom Newton Dunn.
Mais Michael Gove, comme le ministre du Brexit Stephen Barclay, ont balayé cette hypothèse. Un rejet du texte pourrait exposer Theresa May à une motion de censure, et in fine à de nouvelles élections législatives.
Sommet européen
Dimanche encore, des responsables de tous bords ont appelé l'exécutif à revoir sa copie et à relancer les négociations avec Bruxelles, où se rendra la dirigeante britannique en fin de semaine pour un sommet européen.
A moins d'un changement, « nous sommes déterminés à voter contre », a d'ores et déjà prévenu Nigel Dodds, député du petit parti nord-irlandais DUP, dont le soutien est indispensable aux conservateurs pour atteindre la majorité absolue.