La Russie dénonce catégoriquement des « accusations sans fondement » et un « spectacle de propagande ». Dans un communiqué du ministère des Affaires étrangères Moscou fustige une « diplomatie de mégaphone anti-russe » et accuse les autorités britanniques de faire mener l’enquête sur l’affaire Skripal dans une impasse, et de le faire exprès, rapporte notre correspondant dans la capitale russe, Daniel Vallot.
Moscou affirme ne pas savoir qui sont les deux hommes dont les photographies ont été publiées hier mercredi, de ne pas connaître leur nom – ou en tous cas leurs pseudonymes. Et les autorités russes réclament des éléments de preuve à Londres : numéros de passeports, de visa, et empreintes digitales… Tout cela nous a été refusé, déplorait hier soir la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova.
Moscou reste donc sur la ligne de démenti catégorique adoptée depuis le premier jour de l’affaire. Les autorités russes dénoncent depuis le premier jour une « manipulation, une provocation » destinée à salir son image à l’international. Malgré la publication de photographies et ces nouveaux éléments de l’enquête, malgré les accusations lancées contre les services de renseigement militaires russes, Moscou reste donc sur cette ligne de démenti et il y a peu de chances de voir les autorités russes évoluer sur cette question.
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Londres pointe le renseignement militaire russe
Au Royaume-Uni, les photos des deux suspects s’étalent à la Une de tous les quotidiens nationaux sans exception ; les tabloïds publient la même image de vidéosurveillance où l’on voit les deux hommes marcher dans une rue de Salisbury, sourire aux lèvres, après avoir répandu le Novichok sur la porte des Skripal. D’où une série de Unes quasi-similaires dans plusieurs journaux : « Les tueurs narquois de Poutine » titrent en substance le Sun, le Mail, l’Express ou encore le Mirror. Mais plus que les noms des deux suspects, qui de l’aveu même de la police sont de fausses identités, ce qui frappe les esprits ici c’est le doigt clairement pointé vers le renseignement militaire russe -et derrière ses agents, le Kremlin- et la volonté affichée par Theresa May d’intensifier la pression sur Moscou : pour le Times c’est l’heure de la revanche et la Première ministre a promis que les services de sécurité britanniques useraient de tous leurs pouvoirs pour contrer la menace posée par la Russie en lançant une cyberguerre et en rendant difficiles les activités financières des oligarques russes à la City de Londres.
Theresa May en appelle une nouvelle fois à la solidarité de ses alliés
Le Royaume-Uni va exposer l’affaire ce jeudi devant le Conseil de sécurité de l’ONU et veut pousser l’UE à accroître les sanctions contre Moscou, mais ce nouveau cri de ralliement est pas un pari diplomatique risqué de la part du Royaume-Uni qui n’est pas en position de force alors même que les Britanniques s’apprêtent à quitter l’UE.
Certains analystes préviennent que nombre de pays européens seront réticents à l’idée de resserrer l’étau autour de la Russie de crainte de mettre en danger leurs relations commerciales et énergétiques avec Moscou. Même si Londres estime que la qualité des preuves accumulées contre les renseignements militaires russes justifie de nouvelles sanctions, ses alliés pourraient être tentés de lui faire remarquer qu’on pensait déjà que le Kremlin était derrière l’attaque et que ces informations ne justifient pas un nouveau tour de vis…