Pendant six mois, Reporters sans frontières a documenté des cas de harcèlement de journalistes dans 32 pays. Christophe Deloire, secrétaire général de RSF tire un constat sans appel de leurs observations, publiées ce jeudi : « Le harcèlement en ligne est un phénomène qui se propage à l'échelle mondiale et qui constitue aujourd'hui l'une des pires menaces contre la liberté de la presse ».
Les journalistes d'investigation qui « mènent des enquêtes dérangeantes à l'égard de régimes autoritaires ou de groupes politiques et criminels » sont particulièrement attaqués selon l’ONG. Y compris dans les régimes dits démocratiques ou parmi les meilleurs élèves du classement mondial de la liberté de la presse.
Trolls et « haters »
Deux types principaux de cyberharceleurs se dégagent, explique Elodie Vialle, en charge des nouvelles menaces numériques à RSF. « D’un côté les "haters", qui sont des communautés d’individus qui vont s’en prendre à un journaliste parce que le contenu qu’il a publié leur déplaît » et de l’autre « des armées de trolls téléguidés souvent par des régimes autoritaires ».
Ces « trolls » professionnels envoient « de fausses informations en ligne pour discréditer les journalistes, mais aussi des fausses informations qui noient le contenu journalistique ». Une désinformation ensuite amplifiée. Soit par le biais de « commentateurs payés pour aller mettre des messages en faveur des régimes en ligne sur les réseaux sociaux », soit au moyen de bots – des programmes informatiques - utilisés pour « rediffuser automatiquement des messages ».
« La troisième étape, c’est l’intimidation : là on s’en prend directement au journaliste, on l’insulte, on l’attaque, dans l’objectif de le faire taire définitivement. » Qu’il s’agisse de « haters » anonymes ou d’individus aux ordres, l’objectif est le même : censurer les journalistes « sur l’un des derniers espaces de liberté, les réseaux sociaux ».
Les femmes particulièrement visées
Reporters sans frontières souligne également que « les femmes journalistes sont les plus touchées par le cyberharcèlement ». L'ONG prend entre autres pour exemple le cas de la journaliste indienne Rana Ayyub, « cible des soutiens du régime [...] pour ses enquêtes sur l'accession au pouvoir du Premier ministre indien ».
Citée dans le rapport, elle témoigne : « On m'a appelée Jihad Jane [...] On m'a traitée de prostituée. Mon visage a été apposé à la photo d'un corps nu et la photo de ma mère a été prise sur mon compte Instagram et "photoshoppée" de toutes les manières possibles ».