Avec notre envoyée spéciale en Turquie, Anissa El Jabri
Un appartement anonyme quelque part dans un quartier populaire d’Istanbul. Deux enfants en bas âge et une épouse qui ferme la fenêtre qui donne sur la rue et les passants quand il commence à raconter. « Après la tentative de coup d’État, je n’étais pas inquiet. J’ai suivi les consignes : faire de la place dans la prison pour environ 500 personnes. Jamais je n’aurais imaginé que 25 jours après je finirais dans une des cellules que j’avais moi-même préparées. »
18 accusés dans une cellule pour 3, interrogatoires répétés, mauvais traitements, il n y a rien dans son dossier à part la vague accusation d’un témoin anonyme. Mais la détention se prolonge, 5 mois au total et à la sortie l’ex-fonctionnaire est comme banni de la société.
« Mon compte en banque a été bloqué, ma famille expulsée en 24 heures de notre logement de fonction, je n’avais plus droit à la retraite, à la sécurité sociale, j’ai dû travailler au noir et emprunter de l’argent pour vivre. »
Aujourd’hui les sanctions sont levées, l’ex-gardien de prison a retrouvé un travail, mais l’angoisse d’une arrestation revient à chaque coup de sonnette à la porte. « J’aime mon pays, mais je n’accepte pas ce qui s’est passé, je veux que justice soit faite, pas seulement pour moi, mais pour tous les autres. »
Cet ex-fonctionnaire attend beaucoup du scrutin de dimanche : un changement politique, et sa réhabilitation.
Les ONG et les opposants sont aussi visés. Ce jeudi 21 juin, le président honoraire d’Amnesty International Turquie, détenu depuis un an sans procès et sans preuve, est convoqué au tribunal. Il risque plusieurs dizaines d’années de prison.