Avec notre envoyée spéciale à Erevan, Anastasia Becchio
Deux reculades en cinq jours pour le Parti républicain d'Arménie, encore tout puissant il y a deux semaines. Avec cette décision, Nikol Pachinian voit ses chances sensiblement augmentées, même si rien n’est encore gagné. Le député, qui se présente comme le candidat de la rue qui manifeste, a reçu dans la soirée de samedi le soutien de Gaguik Tsaroukian, l'un des hommes les plus riches du pays. Un soutien de taille.
Un doute planait quant à l'éventuelle participation au scrutin de ce dernier. Gaguik Tsaroukian est à la tête du plus grand groupe politique d’opposition, « Arménie prospère », qui compte 31 sièges sur 105. Finalement, l’oligarque a annoncé sur sa propre chaine de télévision que son bloc ne soumettrait pas de candidature et qu’il voterait pour « le candidat du peuple ». Autre soutien pour M. Pachinian, celui de Dachnak, la Fédération révolutionnaire arménienne, socialiste.
Reste à savoir pour qui les députés du Parti républicain, majoritaires au Parlement monocaméral, décideront de voter mardi. Un autre candidat ? Ils pourraient aussi boycotter le scrutin, et dans ce cas, la crise se prolongerait faute de majorité pour élire un Premier ministre. Car l'élection serait alors rendue invalide. Un deuxième tour serait organisé sept jours plus tard, laissant place à de possibles nouvelles manifestations dans le pays.
Nikol Pachinian continue ses déplacements
En attendant, le meneur de la contestation continue d’occuper le terrain et les manifestants maintiennent la pression, malgré son appel à se reposer avant le scrutin. Les manifestations doivent reprendre ce dimanche. Après Gyumri, Nikol Pachinian a tenu un rassemblement de plusieurs milliers de personnes à Vanadzor samedi. Comme à chaque fois, il a été accueilli en héros par ses partisans : ovations, applaudissements, embrassades et concerts de klaxon.
A Erevan, la vie a repris son cours normal. Les autocars de tourisme ont réinvesti la place de la République. Au bord des fontaines, devant le musée d’histoire de l’Arménie, les promeneurs prennent le soleil. La ville a retrouvé sa quiétude, pour quelques heures encore. Lilia se repose un peu avant de reprendre le combat. Elle ne lâchera rien tant que Nikol Pachinian ne sera pas élu Premier ministre.
« Tout le peuple arménien doit sortir dans les rues, explique-t-elle. Il n’y a pas d’autre solution, on va bloquer des rues, on va bloquer l’avenue Baghramyan, qui est l’avenue où se situé l’Assemblée nationale mais aussi la résidence présidentielle. Je pense qu’il faut continuer de manifester mais paisiblement, il n’y a pas d’autre solution. »
Maintenir la pression sur le gouvernement
Svetlana Avjyan a les traits tirés. Ces 10 derniers jours, elle n’a pas beaucoup vu ses filles de 6 et 8 ans. Elle les a confiées à sa mère, le temps de faire, ce qu'elle appelle « sa révolution de velours ». En dépit de la fatigue, pas question de relâcher la pression
« C’est important de ne pas reculer, de ne pas céder, c’est primordial. Je mets ça au premier plan parce que c’est en ce moment que se décide le sort de mon pays, et l’avenir de nos enfants », affirme-t-elle. Mardi, Svetlana emmènera même ses filles manifester, en attendant l’issue des votes au Parlement.