Autriche: l'extrême droite prend des postes-clés au gouvernement

Avec trois ministères régaliens et l'arrivée au pouvoir de ses principaux dirigeants, le Parti de la liberté d'Autriche (FPÖ) entre en force dans le gouvernement conservateur.

Certes, le FPÖ obtient six ministères, deux de moins que le parti conservateur ÖVP. Mais quels ministères ! Intérieur, Défense et Affaires étrangères, trois postes régaliens. Le parti dirigera donc à la fois les militaires, les services secrets et la police.

En outre, les ténors du parti FPÖ sont bien placés. A commencer par Heinz-Christian Strache qui obtient le poste de vice-chancelier. Arrivé troisième des législatives du 15 octobre, celui qui se targue d'avoir négocié « d'égal à égal » avec Sebastian Kurz prend aussi les rênes de la Fonction publique et des Sports.

A 48 ans, Strache, prothésiste dentaire de formation, a fréquenté des cercles néonazis dans sa jeunesse et a même débordé l'ancien leader extrémiste Jorg Haider sur sa droite en 2005. Puis il a adouci son discours et tout fait pour cultiver une image d'homme d'Etat. Très hostile sur les questions migratoires, il a déclaré que « l'islam n'a pas sa place en Autriche ».

Slogans xénophobes

La mainmise de l’extrême droite sur la police, l’armée et les services secrets a suscité des commentaires inquiets, indique notre correspondant à Vienne, Christian Fillitz. En effet le futur ministre de l’Intérieur, Herbert Kickl, est un ancien secrétaire général du FPÖ et auteur des discours de feu Jörg Haider, chef historique de l‘extrême droite. Il s’est fait remarquer en outre par des slogans xénophobes et anti-islam lors de différentes campagnes électorales. Le futur ministre de la Défense, lui, est un militaire à qui on reproche des liens notamment avec des milieux identitaires.

Quant à la nouvelle chef de la diplomatie : c’est une ancienne diplomate et journaliste, diplômée de l’ENA et spécialiste du Proche-Orient. Mais Karin Kneissl - c’est son nom - n’a pas la carte du parti. Elle sera toutefois déchargée des dossiers européens qui seront l’affaire personnelle de Sebastian Kurz. Le futur chancelier se présente ainsi comme garant de la ligne pro-européenne du gouvernement exigée par le président Van der Bellen. Le programme du nouveau gouvernement exclut d’ailleurs tout référendum sur une sortie de l’Autriche de l’UE.

Le jeune chef des conservateurs Sebastian Kurz, 31 ans, va devenir chancelier et par là même le plus jeune dirigeant au monde. Les conservateurs de son parti obtiennent les ministères de l’Economie, des Finances, de la Justice ou encore de l’Education.

L'opposition inquiète

Une telle distribution des portefeuilles inquiète d’ores et déjà l’opposition, rapporte notre autre correspondante à Vienne, Isaure Hiace. « Les promesses électorales ont été abandonnées en un temps record. Désormais, le FPÖ a accès à tous les services de sécurité ainsi qu'aux services secrets », s'effraie Christian Kern, le chef du parti social-démocrate, interrogé sur la radio publique autrichienne. Une concentration des pouvoirs qui alarme également un porte-parole des Verts, pour qui ce gouvernement « ouvre la voie à un Etat sécuritaire ».

Quant au programme commun présenté par les deux partis, il ne trouve pas non plus grâce aux yeux de l’opposition. Plusieurs mesures sont controversées : comme la baisse de l’aide financière accordée aux réfugiés ou encore l‘autorisation des journées de travail de 12 heures. Même les libéraux du parti Neos sont critiques, à l’instar de Matthias Strolz : « J'aurais souhaité plus d'engagement sur de nombreux sujets et un calendrier clair sur les réformes à venir », regrette-t-il.

Seul point jugé rassurant : il n’y aura pas de référendum sur la sortie de l’Autriche de l’Union européenne. Et pour cause : Sebastian Kurz, européiste convaincu, a exigé que les questions européennes lui reviennent. Il faut dire que l’Europe est sans doute le point de discorde entre les deux partis. Le FPÖ souhaitant se rapprocher du groupe des eurosceptiques de Visegrad, l’ÖVP étant clairement pro-européen.

La crème nationaliste réunie à Prague

Alors qu'un nouveau visage de l'Autriche se dessine, nombre de formations d'extrême droite se sont donné rendez-vous à Prague pour célébrer en grande pompe le retour de l’extrême droite aux affaires. Le Front national français, le Parti néerlandais pour la Liberté, la Ligue du Nord italienne, les Allemands de l’AFD, des Polonais, des Belges, des Tchèques et bien entendu le FPÖ autrichien se sont retrouvés pour conférence intitulée : « Pour une Europe des nations souveraines ».

Mais c'est bien l’annonce d’un accord de gouvernement et sa nomination qui devrait accaparer les discussions. Le FPÖ autrichien est à l’heure actuelle la seule formation de cette orientation politique à participer à l’exercice du pouvoir en Europe. C’est sur la thématique de l’immigration que le message de cette formation d’extrême droite est semble-t-il le mieux passé. Cela tombe bien puisque c’est la thématique le plus récurrente dans les discours des différents partis d’extrême droite européens.

Le FPÖ va-t-il devenir source d’inspiration pour ces autres formations ? Ce qui est sûr, c’est qu’il est à l’heure actuelle le seul parti d’extrême droite du Vieux Continent à même de faire trembler les institutions européennes.


Baisse d'impôts et lutte contre l'immigration clandestine

Le programme de la nouvelle coalition autrichienne repose, en matière économique, sur la baisse des impôts des particuliers et des entreprises. Actuellement l’Autriche est avec la France et le Danemark l'un des pays où les prélèvements fiscaux dépassent les 40% du PIB.

Le gouvernement entend donc alléger la pression fiscale pour renforcer l'économie nationale avec, selon lui pour conséquence, l'amélioration du système social. Le parti conservateur de Sébastian Kurz a centré sa campagne sur la lutte contre l'immigration illégale et le gouvernement prévoit aussi de réduire les aides sociales en faveur de certains bénéficiaires, dont les réfugiés. Les dépenses dans les secteurs de la défense et de l'éducation devraient constituer des priorités budgétaires.

L’Autriche, avec un taux de croissance très favorable de 3% environ cette année, affiche déjà l'un des taux de chômage des jeunes les plus bas de l'Union européenne, à moins de 10%. En matière européenne, le nouveau gouvernement se prononce pour plus de compétences laissées aux Etats, mais il exclut tout référendum sur la sortie de l’Autriche de l'Union européenne.

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