Quels chiffres peuvent résumer la Catalogne aujourd'hui?
Jesus Castillo : Il faut regarder ce qu'elle représente dans notre économie européenne. On dit que la Catalogne, c’est à peu près 20 % du PIB de l’Espagne. Si la Catalogne était un pays indépendant, un pays supplémentaire de la zone euro, cela représenterait une économie de la taille à peu près du Portugal ou de la Grèce, un petit peu supérieur même.
Puis si vous regardez quelle serait la richesse de cette économie, en termes de richesse par tête, de PIB par tête, vous auriez une économie qui serait entre la moyenne de la zone euro et de l’Italie. Donc une économie plutôt riche, si on prend bien sûr les chiffres que l’on connaît aujourd’hui. Mais rien ne nous permet de penser que ce niveau de richesse resterait le même si cette région devenait indépendante parce qu'après, il y a plein d’autres effets qui doivent être pris en compte pour pouvoir faire cette évaluation.
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L’un des arguments des partisans de l’indépendance de la Catalogne, c’est de dire que la région donne plus à l’Espagne qu’elle n’en reçoit. Est-ce la réalité ?
Il y a de multiples façons de calculer les apports et les contributions donnés par une région et ce qu’elle reçoit. Donc la méthodologie aujourd’hui des partis indépendantistes effectivement arrive à un solde tout à fait considérable de contributions de la région au reste de l’effort national.
D’autres méthodologies ramènent ce niveau à un niveau beaucoup plus faible et beaucoup plus proche du niveau de richesse du pays. C’est la quatrième région la plus riche d’Espagne, après Madrid, le Pays basque et la Navarre, en termes de PIB par habitant. Donc il est quelque part normal que cette région contribue davantage que d’autres régions plus pauvres à l’effort national. Son PIB par tête est 19 % plus élevé que celui de la moyenne nationale. Donc il y a bien en termes de péréquation globale, la nécessité que cette région contribue.
Quelles sont les conséquences, s'il y en a, de la crise catalane sur l’économie catalane et espagnole ?
Ce qui est de plus visible aujourd’hui, c’est d'abord toutes les annonces de départ qui ont été faites par les entreprises. On parle de 1 600 entreprises qui ont annoncé leur départ de Catalogne. Il faut relativiser ce chiffre parce que la Catalogne est aussi la région la plus riche en termes de quantité d’entreprises : 40 % des entreprises de plus de 200 salariés, donc des grandes entreprises, sont basées en Catalogne, c’est-à-dire deux fois plus que la moyenne nationale.
Après vous avez des conséquences en termes de tourisme, le secteur hôtelier et touristique dit avoir des baisses de réservation. Vous avez bien des conséquences de court terme très visibles et qui pourraient devenir très inquiétantes si elles perduraient dans le temps.
S’il s’agit juste d’un report de décision des touristes, des consommateurs, des investisseurs, ce n’est pas grave ou c’est moins grave. Si ces décisions sont définitives et qu’on ne revient pas sur les investissements qui n’ont pas été faits, alors il y aura bien un appauvrissement économique de cette région.
Pour résumer, peut-on dire que l’économie est au cœur de la crise actuelle avec la Catalogne ? Autrement dit, si cette région d’Espagne ne représentait par exemple que 2% du PIB du pays, est-ce qu’on en serait au même point ?
Il y a deux volets au cœur de cette crise catalane. Le volet économique, participation, contribution, gestion des finances publiques régionales est effectivement important. Il y a aussi une question politique qui ne peut pas être ignorée, et là on sort du champ de compétence de l’économiste. Mais il y a depuis fort longtemps une expression d’un souhait de davantage d’autonomie auquel on ne répond pas uniquement par une réponse juridique ou par une réponse économique. Il faut aussi une réponse politique et c’est là tout l’enjeu aujourd’hui du gouvernement de Madrid pour restaurer cet ordre constitutionnel, mais aussi recréer du dialogue.