De notre envoyée spéciale à Strasbourg,
Alors que plusieurs de ses collègues ont mis en évidence des pancartes avec le mot-clé « #metoo », l'eurodéputée Karima Delli dénonce : « Il y a deux hommes parmi mes collaborateurs. Est-ce qu’il m’est arrivé un jour d’enfermer l’un d’entre eux dans mon bureau, de serrer l’un d’eux contre un placard ou de leur pincer les fesses dans un ascenseur ? Jamais de la vie ! En revanche, cela arrive à tant de femmes, ici, au Parlement européen… »
La semaine dernière, Jeanne Ponté, une assistante d'Edouard Martin, révélait avoir consigné dans un carnet une cinquantaine de comportements déplacés envers elle ou ses collègues. L'eurodéputé socialiste se souvient du jour où la jeune femme a décidé de se confier. « Elle est montée au bureau, et j’ai vu qu’elle était blême. Elle m’a raconté qu’un député l’avait plaquée contre le mur en la tenant par la taille, en étant très insistant pour qu’elle aille boire un verre avec lui. Elle a ajouté que ça n’était pas la première fois qu’on lui faisait des coups comme ça. Lorsque ça s’est su, d’autres collègues féminines sont venues la voir, lui raconter ce qu’elles subissaient. Elle a tout consigné dans un carnet », raconte-t-il.
Aucune de ces collègues n’a jusque-là porté plainte. Il existe pourtant au sein du Parlement un comité d’avis sur le harcèlement. Mais selon Edouard Martin, cela n’est pas suffisant ; il faut une structure externe. « C’est vrai qu’il y a onze cas qui sont actuellement étudiés, mais c’est du harcèlement moral. Je ne suis pas en train de dire que ce n’est pas grave. Mais il y a zéro cas de harcèlement sexuel. Pourquoi est-ce que les victimes estiment, à tort ou à raison, que le lieu n’est pas approprié, qu’elles ne se sentent pas en sécurité ? » s'interroge-t-il.
L’eurodéputée du Parti populaire européen Elisabeth Morin-Chartier, qui pilote ce comité composé de cinq députés (deux femmes et trois hommes), d’un médecin, d’un juriste et d’un représentant des assistants, n’est pas favorable à une multiplication des structures, d’autant, prévient-elle, que « la limite entre le harcèlement psychologique et le harcèlement sexuel est ténue ».
Après les révélations de Jeanne Ponté, l’élue conservatrice a convoqué pour ce jeudi 26 octobre un comité sur le harcèlement extraordinaire, afin d’y entendre l’assistante d’Edouard Martin. Consciente de la difficulté qu'ont les victimes à raconter ce qui leur est arrivé, Elisabeth Morin-Chartier cherche aujourd’hui à mettre en place au sein du Parlement européen un réseau de personnes de confiance pour aider à libérer la parole.