Avec notre envoyée spéciale à Barcelone, Béatrice Leveillé
Les sites internet indépendantistes ferment les uns après les autres. L'information circule difficilement et nombreux seront les 5,4 millions d'électeurs catalans appelés à participer au scrutin qui ne sauront ni où ni comment aller voter.
Le gouvernement catalan qui poursuit son bras de fer avec le gouvernement espagnol en maintenant son appel au vote affirme qu'il existe des alternatives aux bureaux de vote qui ferment également les uns après les autres. Il demande aux électeurs de se rendre aux urnes pacifiquement et sans signe particulier.
Mille trois cents potentiels bureaux de vote ont été mis sous scellés, il ne reste plus selon la police catalane que 163 collèges ou écoles occupés et les occupants ont ordre de libérer les lieux avant 6h00 du matin.
« Aujourd'hui on est pas seuls »
L'ambiance est à l'état de siège du côté indépendantiste. Les voisins et parents qui occupent un collège de Raval, où RFI était ce samedi matin, appellent à un rassemblement à 5h00 du matin. La nuit sera courte et angoissante. Mais ces occupants refusent de se laisser envahir par la peur.
« On aimerait que ça se passe dans le calme, pacifiquement. On s'attend pas à des violences, parce que ce n'est pas notre langage. Je ne veux pas penser avec la peur. Ça fait longtemps qu'on s'organise. Ça fait sept ans qu'on est dans la rue. Aujourd'hui on est pas seuls, il y a la Catalogne entière qui est comme nous ici. Donc on se sent pas seuls. »
La Guardia Civil en patrouille
Des groupuscules d'extrême droite ont manifesté samedi soir dans la capitale catalane. La police nationale, la Guardia Civil, se déplace désormais à bord de véhicules anti-émeute. Le risque d'incident est élevé et chacun se renvoie la responsabilité des heurts qui pourraient se produire.
Et pendant ce temps, des milliers de personnes, drapeaux espagnols à la main, ont manifesté samedi à Barcelone, à Madrid et dans d'autres grandes villes pour défendre l'unité de l'Espagne.
Un long passé de relations tendues entre Madrid et Barcelone
Avec le référendum pour l'indépendance, on risque d'arriver au paroxysme de la tension entre la Catalogne et le pouvoir central espagnol. Mais entre Madrid et Barcelone, il y a eu depuis des siècles des relations très tendues.
Chaque année, les nationalistes catalans commémorent leur défaite du 11 septembre 1714, contre le roi Philippe V, issu de la dynastie des Bourbons, qui a aboli les libertés locales. Mais la véritable naissance du nationalisme catalan contemporain date plutôt de la fin du XIXe siècle.
Cette période faste a culminé en 1931 avec la création de la République catalane, confédérée à l'Espagne et bénéficiant d'un statut d'autonomie, incarné par l'institution de la Généralité de Catalogne.
Après la dictature de Franco, la Généralité de Catalogne est rétablie en 1977. Dans les années 2000, lorsque les socialistes sont au pouvoir à Madrid, un nouveau statut d'autonomie de la Catalogne est rédigé et adopté. Mais la droite espagnole saisit le tribunal constitutionnel, qui, en 2010, retoque 14 articles du nouveau statut d'autonomie, le vidant en grande partie de sa substance.
La tentation séparatiste est amplifiée par le fait que c'est Madrid qui lève l'impôt et qui exerce le contrôle sur les dépenses publiques de la Catalogne. Un million de personnes descendent dans la rue à Barcelone, sous le slogan « Nous sommes une nation, nous décidons ».
Et après la victoire des indépendantistes aux législatives catalanes de 2015, le référendum pour l'indépendance est lancé.