Ca passe, mais de justesse. Avec 33% des voix, le parti CDU d'Angela Merkel obtient son score le plus bas depuis l'après-guerre, en 1949. Sans surprise, c'est donc un bel oxymore qui barre la une du quotidien Bild ce lundi 25 septembre : « Une victoire cauchemardesque ».
Dès 9h du matin, l'état-major de la CDU s'est réuni pour tirer les premières leçons d'un scrutin législatif. La quatrième victoire consécutive de la chancelière, au pouvoir depuis 2005, a un goût amer pour elle.
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Et les premiers signes de contestation sont apparus du côté de ses alliés conservateurs bavarois de la CSU, qui militent depuis deux ans pour que Mme Merkel entame un virage à droite. Car une partie de l'électorat conservateur - un million de personnes selon les sondages - a rejoint l'AfD, qui obtient 12,6% des voix et fait son entrée au Bundestag. Ce mouvement populiste a fait du rejet de l'accueil massif des migrants décidé par la chancelière en 2015 son grand cheval de bataille. L'un des chefs de file de l'AfD, Alexander Gauland, a déclaré « la chasse » ouverte « à Madame Merkel ».
Une ère plus conflictuelle se dessine
Les mauvais résultats des deux grands partis sont largement commentés dans les médias germaniques. La presse souligne qu’Angela Merkel ressort affaiblie de ces élections même si son parti arrive en tête. « Les sociaux démocrates sont au bord du gouffre » estime le quotidien conservateur Frankfurter Allgemeine. Un autre journal conservateur, Die Welt, est magnanime, la fière social-démocratie est « brutalement punie » pour une « participation gouvernementale responsable ». Son candidat ne « méritait pas un tel score », tempère-t-il. « La consternation règne dans les rangs conservateurs et la principale responsable est toute désignée », estime lundi le quotidien de centre-gauche Süddeutsche Zeitung.
Surtout, les résultats de l'AfD font frémir de colère les éditorialistes. « La progression spectaculaire des populistes de droite constitue un tournant historique pour la vie politique allemande », faite de culture du consensus et de débats policés, et qui entre dans une ère beaucoup plus rude et conflictuelle, relève le quotidien conservateur Frankfurter Allgemeine Zeitung.
A la une du quotidien de gauche Tageszeitung, on peut voir un éclair s’abattre sur le Reichstag, le bâtiment qui abrite le parlement à Berlin. Le Süddeutsche Zeitung parle d’un « recul historique » tout en estimant que la démocratie allemande est « robuste ». Enfin, le quotidien Berliner Zeitung évoque un résultat qui change l’Allemagne mais aussi l’image du pays à l’étranger.
Mais les problèmes de Mme Merkel ne s'arrêtent pas à ces résultats peu flatteurs et à leurs échos médiatiques. Ils ne font que commencer. La formation d'un gouvernement s'annonce d'abord très compliquée. Laminés avec leur plus mauvais score (20,5%), les sociaux-démocrates du SPD ont décidé de quitter la coalition avec la chancelière et de rejoindre les bancs opposition.
Ne reste qu'une solution majoritaire dans le nouveau Bundestag: une alliance inédite au niveau national réunissant les conservateurs, les libéraux du FDP, qui reviennent au Bundestag avec 10,7%, et les Verts, qui ont atteint 8,9%. Cette coalition est dite « Jamaïque » - référence aux couleurs noir-jaune-vert des trois partis, n'existe pas encore, hormis au niveau local, dans un seul petit Land.
Ces deux partis s'opposent sur bien des dossiers
Problème, ces deux derniers partis s'opposent sur bien des dossiers clés comme l'immigration, l'avenir du diesel et la sortie du charbon. Ils ont aussi chacun des désaccords de fond avec les conservateurs.
« Nous allons voir dans le calme, après analyses et possibles pourparlers, si on peut arriver à une collaboration », a dit, prudente, Katrin Göring-Eckardt, co-tête de liste écologiste aux législatives.
Le chef des libéraux, Christian Lindner, a lui déjà fixé une condition pour entrer au gouvernement: le rejet des idées de réforme de la zone euro portées par le président français Emmanuel Macron. Un budget commun est ainsi « une ligne rouge », car Berlin ne doit pas se retrouver à payer les dérapages financiers des autres.
(avec AFP)
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