L’ambassadeur turc en Allemagne convoqué, Ankara menacé de sanctions

L'ambassadeur de Turquie en Allemagne a été convoqué mercredi 19 juillet par le ministère des Affaires étrangères à Berlin. Angela Merkel avait déjà exprimé, mardi, son indignation après l'incarcération d'un militant allemand des droits de l'homme en Turquie. Il fallait aller plus loin pour qu'Ankara prenne vraiment conscience de la colère de l'Allemagne. Ce militant est censé attendre son procès derrière les barreaux tout comme cinq autres, dont la directrice d'Amnesty international en Turquie. Ils sont tous accusés d'appartenir à un groupe terroriste.

Avec notre correspondant à Berlin,  Pascal Thibaut

Sigmar Gabriel a interrompu ses vacances. Le ministre des Affaires étrangères allemand a convoqué l’ambassadeur turc à Berlin mercredi matin. Le porte-parole de Gabriel a souligné après l’entretien que le représentant d’Ankara avait compris l’importance que Berlin accordait à l’arrestation de Peter Steudtner et de cinq autres défenseurs des droits de l’homme à Istanbul.

Concernant le ressortissant allemand, Berlin souligne qu’il est « absurde de soupçonner un homme ayant eu jusqu’à présent peu de contacts privés ou professionnels avec la Turquie d’activités terroristes ».

Peter Steudtner qui dirigeait un séminaire à Istanbul, auquel assistaient des défenseurs des droits de l’homme turcs, est le dixième ressortissant allemand à être arrêté depuis le putsch en Turquie il y a un an. Neuf sont encore en prison dont quatre ont la double nationalité.

Le porte-parole d’Angela Merkel a exigé la libération immédiate de Peter Steudtner et a demandé que la Commission européenne réexamine ses versements financiers à Ankara.

Une « réorientation » générale de la politique allemande à l'égard de la Turquie

Sigmar Gabriel a annoncé lors d'une conférence de presse, ce jeudi 20 juillet, une « réorientation » générale de la politique allemande à l'égard de la Turquie, incluant aussi un réexamen des aides à l'investissement dans le pays de la part de l'Allemagne seule. Les garanties publiques pour des investisseurs allemands sont sur la sellette.

L'Allemagne a également renforcé ses mises en garde pour les voyages de ses ressortissants en Turquie, a annoncé le chef de la diplomatie allemande, une évolution qui pourrait frapper le tourisme.

Des relations tendues depuis des mois

Les relations entre l'Allemagne et la Turquie sont tendues depuis des mois. Ankara reproche à Berlin d'être trop laxiste à l'égard de l'organisation kurde PKK ou d'accueillir des personnes ayant demandé l'asile après la tentative de putsch. La Turquie a réagi en empêchant les parlementaires allemands de rendre visite à la Bundeswehr sur place (les troupes allemandes) ou en emprisonnant des ressortissants allemands.

Berlin sur la réserve depuis des mois a décidé de hausser le ton alors qu'elle a longtemps fait le gros dos et réagi avec mesure aux attaques d'Ankara comme les comparaisons avec le régime nazi. L'Allemagne ne voulait pas envenimer un peu plus les relations bilatérales et, accessoirement, ne pas risquer de remettre en cause l'accord entre l'Europe et la Turquie sur les réfugiés. L'arrestation en début de semaine de militants des droits de l'homme à Istanbul est venue à bout de la patience de Berlin.

« Nous avons longtemps fait preuve de patience lorsque des accusations parfois insupportables nous étaient adressées. La Turquie opère un retour en arrière, tourne le dos aux valeurs européennes. Nous devons revoir notre position, être plus clair que dans le passé pour qu'Ankara comprenne que sa politique ne sera pas sans conséquence », a estimé Sigmar Gabriel.

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