Dans un communiqué publié ce mardi matin, le ministère turc des Affaires étrangères accuse l'Union européenne de pratiquer de façon sélective des valeurs telles que la démocratie ou les libertés publiques. Et le président Erdogan annonce de nouvelles sanctions contre les Pays-Bas, accusés de « terrorisme d’Etat ». Il affirme désormais que des excuses ne seront pas suffisantes.
Outre les « sanctions » déjà annoncées lundi, la Turquie réclame une enquête sur des évènements survenus ces derniers jours aux Pays-Bas notamment la dispersion d'une manifestation devant le consulat turc de Rotterdam. Ankara dénonce le déploiement de policiers à cheval et de chiens face aux manifestants.
Le président turc est déchaîné contre les Pays-Bas, mais aussi contre l'Allemagne et contre l'Union européenne qui sont, selon lui, xénophobes, contre un quotidien suisse qui a appelé les Turcs de ce pays à voter non au référendum, contre l'Autriche qui interdit les meetings politiques. Recep Tayyip Erdogan fait feu dans toutes les directions, avec, à la clé, un argument de campagne référendaire : il faut voter oui, seule réponse possible à donner, selon lui, contre ce qu'il qualifie d'ennemis de la Turquie.
L'Union européenne cherche globalement l'apaisement
Avant ces annonces, l'Union européenne avait appelé la Turquie à « s'abstenir de toute déclaration excessive et d'actions qui risqueraient d'exacerber encore la situation ». Une déclaration « sans valeur », affirment mardi matin les autorités d'Ankara.
Malgré une volonté globale d'apaisement vis-à-vis d'Ankara, certains parlementaires européens sont très critiques au sujet de la politique du président turc Recep Tayyip Erdogan et mettent en cause aussi le manque de coordination des Etats membres de l'Union. « L’Europe s’est encore une fois ridiculisée, estime le député écologiste Pascal Durand. Il n’est absolument pas normal que sur un sujet qui concerne directement les frontières de l’Union européenne, certains pays interdisent la venue de ministres, que d’autres l’autorisent et qu’on ait un débat qui soit a posteriori ».
Une situation d'autant plus compliquée que « Monsieur Erdogan a tenu des propos qui sont indignes, là aussi, et que Monsieur Erdogan est en train de mener une politique d’éradication – il n’y a pas d’autres mots – de toute opposition, que ce soit les journalistes, que ce soit les avocats, que ce soit les Kurdes et que ce soit tous ces opposants politiques, poursuit le député européen, selon lequel l’Union européenne devrait réagir de manière beaucoup plus forte ».
« Le ton et le contenu de ce qu'a dit Erdogan parlant des Pays bas et de l'Allemagne est inacceptable. Et ridicule, a de son côté réagi Gianni Pittella, président des sociaux-démocrates aux Parlement européens. Tout cela prouve qu'on assiste à un glissement vers une dérive autoritaire en Turquie, vers le pouvoir d'un seul homme. Erdogan devrait présenter des excuses non seulement aux autorités de La Haye et de Berlin, mais aussi à tous les Hollandais et tous les Allemands d'origine turque, qui aujourd'hui vivent, travaillent et participent à l'Etat de droit aux Pays-Bas et en Allemagne. »
Le durcissement turc est à destination interne
Pour beaucoup, dans les milieux européens, l’attitude du président turc Recep Tayyip Erdogan s’apparente à celle des dirigeants polonais lors du sommet européen de la fin de la semaine dernière, analyse notre correspondant à Bruxelles, Quentin Dickinson. Dans les deux cas, dit-on ici, il s’agit de tenter de convaincre l’électeur que le pays est menacé par de terribles forces extérieures hostiles, acharnées à sa perte, et que seule l’adhésion sans réserve de tous au parti au pouvoir pourra conjurer ce péril. D'ailleurs, en meeting à Ankara ce mardi 14 mars, le président turc a appelé ses concitoyens à voter en faveur d'un renforcement de ses pouvoirs. « Le référendum du 16 avril sera la meilleure réponse aux ennemis de la Turquie », a-t-il assuré.
Outre que les traités ne confèrent aucune compétence à l’Union européenne en matière d’ordre public dans les pays membres, les rares responsables des institutions de l’UE à réagir publiquement l’ont fait pour appeler à la raison et à la désescalade. Car, en dépit de son auto-marginalisation croissante, la Turquie demeure membre de l’Otan et candidate à une entrée dans l'Union. C’est sur ce dernier point qu’en privé, les langues se délient à Bruxelles.
Malgré les engagements pris par l’UE de ranimer les négociations d’adhésion en échange de l’accord euro-turc - renvoi des migrants parvenus dans les îles grecques -, chacun estime qu’il est temps de suspendre officiellement ces pourparlers. Mais ni Ankara ni Bruxelles ne veulent être le premier à réclamer cette suspension.
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