Les efforts de Matteo Renzi n’auront pas été suffisants. Sa réforme constitutionnelle, censée moderniser les institutions italiennes, a explosé en vol. Résultat : le jeune chef du gouvernement, âgé de 41 ans, est invité à rentrer chez lui, un peu plus de 1 000 jours après son arrivée au pouvoir, à la fin du mois de février 2014.
« Le non a gagné de manière extraordinairement nette. Je présente toutes mes félicitations aux leaders du camp du " non " et mes souhaits de bon travail dans l’intérêt de l’Italie et des Italiens. J’assume toutes les responsabilités de cet échec. J’ai perdu, je le dis haut et fort, même si j’ai la gorge nouée. Mon gouvernement s’arrête là. »
Matteo Renzi a certainement eu tort de lier son destin personnel au scrutin du dimanche, explique notre correspondante à Rome, Anne Le Nir. Il en a fait son cheval de bataille, agissant seul contre tous, se surexposant médiatiquement. Et au bout du compte, ce référendum a été l’occasion, pour 59,1 % des votants, de rejeter à la fois sa réforme constitutionnelle, et l’homme qui la portait.
La méthode Renzi sanctionnée par les électeurs
Le texte en lui-même était à l'évidence trop complexe, peut-être mal ficelé, mal expliqué. Il a suscité l’opposition d’éminents constitutionnalistes, dont d’anciens présidents de la Cour constitutionnelle. Celle d'un ancien gouverneur de la Banque d’Italie aussi, comme celles de trois ex-présidents du Conseil, des pro-Européens, des membres de la bourgeoisie milanaise et des figures de son propre parti.
Et puis, il y a Matteo Renzi lui-même. Sa philosophie du pouvoir, son ambition. Il y a deux ans et demi, rappelle notre envoyée spéciale en Italie, Béatrice Leveillé, près de la moitié des électeurs le soutenaient, parce qu’il disait qu’il allait bousculer la classe politique et faire des réformes. Il a tenu parole. Mais la brutalité avec laquelle il a gouverné a fini par affoler les Italiens.
Si Matteo Renzi s'est retrouvé seul contre tous, c'est aussi parce qu'il a voulu gouverner trop vite et sans compromis. Un vote sanction s'est ainsi abattu comme le plus jeune, le plus intrépide et le plus réformateur des dirigeants italiens. On peut le dire, le « casseur » de la vieille classe dirigeante s’est cassé lui-même.
Le Mouvement 5 étoiles sort renforcé du scrutin
Maintenant, tout va se jouer entre les ors et les marbres du palais du Quirinal, siège de la présidence de la République. Le chef de l'Etat, Sergio Mattarella, va recevoir le sortant Matteo Renzi ce lundi après-midi. Et le président du Conseil lui remettra formellement sa démission.
Ensuite, il faudra s'en remettre à l’art subtil de la médiation du garant suprême des institutions italienne. Le président de la République devra prendre une décision. Gouvernement de transition ? Elections anticipées ? Nouvelle loi électorale avant de dissoudre le Parlement ?
Sergio Mattarella le dira à l’issue de ses consultations avec les représentants des forces politiques dotées de parlementaires. Un arc-en-ciel allant du Parti démocrate aux eurosceptiques du Mouvement 5 étoiles, grand gagnant du référendum, en passant par la Ligue du Nord et Forza Italia, le parti de Silvio Berlusconi.
La situation italienne, vue de l'Union européenne
Vus de Bruxelles, les dégâts politiques en Italie promettent d’être considérables. La constitution rapide d’une coalition capable de recoller les morceaux de la confiance perdue des citoyens, pour souhaitable qu’elle soit, paraît irréaliste en ce lundi matin dans les travées des institutions de l'UE.
Quant à l’hypothèse d'une arrivée aux affaires de l’imprévisible Mouvement 5 étoiles de l'humoriste Beppe Grillo, certains dans les rangs européens la comparent au « Brexit », la sortie du Royaume-Uni de l'Union. En d’autres termes, un phénomène dont on découvre chaque jour de nouveaux inconvénients.
Les risques ont été anticipés. Autant les milieux européens croisaient-ils les doigts en attendant le résultat de l’élection présidentielle en Autriche, autant le référendum en Italie tenait-il pour beaucoup de la défaite annoncée. De sorte qu’on a déjà largement eu le temps de faire l’inventaire des périls, relate notre correspondant à Bruxelles, Quentin Dickinson.
Quel avenir pour Matteo Renzi le tonitruant ?
Dans la capitale européenne, on redoute avant tout que l’incertitude politique plombe l’activité économique de la péninsule, et expose cruellement la vulnérabilité du secteur bancaire italien. On se rassure cependant en soulignant que l’on ne revivra pas la crise de 2008.
Entretemps, un arsenal de garde-fous institutionnels a en effet été mis en place par l’Union européenne, destiné à accompagner toute banque en difficulté, et à éviter la contamination vers d’autres pays de l’UE. De même, sans être totalement exclu, un effet domino sur la zone euro reste peu probable dans les milieux européens.
Reste une question : quel avenir pour Matteo Renzi ? Pendant la campagne, il avait reçu le soutien du président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker. Mais aussi d'Angela Merkel, de Barack Obama et du patronat italien. Il y a pire carnet d’adresses pour trouver du travail. Mais s’il veut continuer la politique, il pourra toujours retourner à Florence, la ville dont il fut maire.