Séisme en Italie: Amatrice, entre répliques et recherches de rescapés

Le tremblement de terre qui a frappé le centre de l'Italie aux premières heures de mercredi a fait 250 morts, selon un nouveau bilan communiqué jeudi par les services de la protection civile alors que les équipes de secours continuaient de s'activer dans les décombres de la catastrophe. Des centaines de blessés sont encore à l'hôpital. Le président du Conseil italien Matteo Renzi a annoncé une série de mesures pour venir en aide aux sinistrés.

Avec notre envoyée spéciale à Amatrice,  Domitille Piron

« Je ne peux pas aller voir ma maison parce qu'il y a encore des secouristes qui cherchent des morts. Ce ne serait pas digne d'y aller maintenant. Je vais attendre que l'on me dise que je puisse aller la voir et récupérer des choses. On aura le temps après, d'aller récupérer nos affaires plus tard. Il faut que l'on vive, que l'on surmonte cette douleur. Tout nous a été enlevé. Il ne nous reste que notre vie à laquelle s'accrocher et les souvenirs. Au moins, il nous reste nos montagnes, celles-là, on ne les a pas perdues. »

Au micro de RFI, Anna Maria, 53 ans, tente de garder le sourire. Elle erre en pijama dans sa ville d'Amatrice, elle allait voir ses enfants qui sont restés sous les tentes des secouristes. Sa maison a été détruite dans le centre historique de Amatrice mais aucune personne de sa famille n'est morte et elle se sent très chanceuse.

Dario D’Angelo, 35 ans, est venu voir ce qui se passait à Amatrice, parce que le village de ses parents, qui a été totalement détruit, se trouve juste à côté. Tous les jours il vient au village pour voir la catastrophe, mais toutes les nuits il repart à quelque 50 km d'Amatrice, pour être en sécurité la nuit.

« Regarde les photos, la maison est encore là, mais c’est cassé, il faut tout détruire et refaire, explique-t-il. Mais on a vraiment eu de la chance. Mes parents étaient ici, avec ma femme et ma fille, on était près de Pescara, et là on a vraiment eu de la chance, j’ai attrapé la petite et on est vite sorti. Dans le village de mes parents, il n’y a pas eu de morts, tout le monde s’est sauvé, mais le village, lui, est vide maintenant. Je suis allé voir là-bas et la maison de ma grand-mère, de mon oncle, il n’y a plus rien, tout est détruit et le silence là-bas est assourdissant. C’est angoissant, le village est mort, tout est fini, il n’y a plus rien, comme à Amatrice. »

La hantise des répliques

Ils sont plus de 5 000 secouristes, des pompiers ou des bénévoles de la protection civile, à continuer à chercher des disparus dans les décombres, mais leur conditions de travail sont extrêmement dangereuses, de nombreuses répliques se font ressentir depuis mercredi, atteste Domitille Piron, l'envoyée spéciale de RFI à Amatrice.

A Amatrice, la ville est coupée en deux, impossible de traverser le centre historique, tout s’est effondré sur la route principale. Deux équipes chacune d’un côté essayent de dégager un maximum de décombres tout en cherchant encore des victimes à l’aide des chiens. « Il y a souvent des secousses alors qu’on est en train de fouiller les décombres pour chercher des victimes. A L’Aquila en 2009, même après trois jours on a trouvé des gens vivant, alors on continue », assure Giovani, bénévole à la Croix-Rouge.

Les secouristes creusent, ils avancent, une secousse, la façade de l’église s’effondre sous nos yeux. Quelqu'un hurle « reculez, reculez » et puis : « allez les gars, maintenant on y va. » Ce jeudi après-midi, une réplique de magnitude 4,3 s'est fait ressentir, provoquant immédiatement un mouvement de panique. La terre a tremblé à peine cinq secondes, mais des bâtiments qui tenaient à peine se sont effondrés.

Beaucoup trop de monde

Seuls les pompiers et les volontaires de la Croix-Rouge et la protection civile travaillent dans cette « zone rouge » équipés de leur simple casque, chaussures et uniforme. Roberto Milana, est ingénieur volontaire. « Là c’est la zone la plus dangereuse, la zone rouge, indique-t-il. C’est dangereux tant qu’on n’aura pas enlevé tous les débris et qu’ils n’auront pas mis en sécurité les bâtiments. » Ils n’ont pas peur ou du moins ne le disent pas parce que tous ont le sentiment de devoir être là.

Les conditions d'hébergements d'urgence sont difficiles, il fait très chaud la journée et froid la nuit. Difficile de trouver un peu de répit. Des habitants sont retournés avec les pompiers récupérer quelques affaires dans leur maison abimée voire détruite par le tremblement de terre. Des vêtements, des jouets pour enfant...

Des équipes de la protection civile font des repérages dans certaines maisons pour savoir s'il faut les détruire. Un hôtel s'est effondré. Il comptait environ 70 résidents et seuls sept corps ont été retrouvés pour l'instant, a indiqué le maire de la ville.

Enfin, de nombreuses routes sont coupées dans la ville. Une importante route d'accès qui permettait de relier le nord d'Amatrice au sud est désormais impraticable à cause de la réplique et la situation est assez confuse parce qu'il y a beaucoup de monde. Trop de monde, trop de volontaires, selon les autorités, qui demandent de ne plus se rendre à Amatrice.


Le gouvernement débloque 50 millions d’euros

Un long conseil des ministres s'est tenu jeudi soir au Palais Chigi pour arrêter les toutes premières décisions destinées au soutien des régions frappées par le séisme, rapporte notre correspondante à Rome, Anne Le Nir

Matteo Renzi a annoncé les trois premières mesures décidées : l'état d'urgence dans les régions touchées par le séisme, la suspension des impôts et taxes foncières pour les familles et les entreprises sinistrées et le déblocage immédiat de 50 millions d'euros destinés aux interventions d'urgence qui sont gérées par la protection civile.

Insistant sur le travail sérieux et constant qui sera effectué au cours des prochains mois il a lancé cette promesse à l'attention des centaines de familles des villages réduits à l'état de ruines. « La reconstruction, avant tout du sens de la communauté qui n'est pas perdu, comme en ont témoigné les rescapés, est la priorité du gouvernement, et je pense que c'est aussi une priorité pour notre pays. »

Des déclarations qui devront être suivies d'actes très concrets et aussi rapidement que possible pour que toutes les familles des rescapés puissent reprendre espoir et force.

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