On évoque souvent « l’impuissance » de l’Union européenne face à l’afflux des migrants. Il est vrai qu’à chaque nouveau drame en Méditerranée, les Etats membres et les institutions de l'Union promettent que cette fois-ci est la dernière, et qu'enfin des mesures efficaces seront prises pour faire face à l'inacceptable : des milliers de morts.
Toutefois, les Etats membres ne sont pas suffisamment solidaires en la matière. Or, même l’agence Frontex, censée protéger les frontières extérieures de l’Union, dépend totalement du bon vouloir des Etats membres. Et celui-ci n’est pas toujours au rendez-vous.
Appel aux Etats membres
Ewa Moncure, porte-parole de Frontex, explique la situation bien fragile de l’agence : « Ce qui est nécessaire pour nous en tant qu'organisation qui ne dispose pas de son propre matériel, c’est surtout l’accès aux navires. Autrement dit, la volonté des Etats membres de nous prêter du matériel dont nous avons besoin pour nos opérations. Nous devons maintenir le nombre de navires, au nombre de dix-sept à l'heure actuelle. Nous en avons vraiment besoin. »
Et d’ajouter : « C’est pourquoi nous lançons un appel aux Etats membres pour qu’ils nous laissent utiliser ces navires jusqu’à la fin de l’été, et encore mieux, pendant l’année. C’est le plus grand défi que nous affrontons, car nous ne pourrons pas continuer nos opérations sans collaboration des pays membres. Certes, ils nous prêtent du matériel, mais nous en avons besoin en grandes quantités et pour longtemps. »
Frontex est donc manifestement obligé d'arracher le matériel nécessaire des mains des pays membres – et encore, l’agence n’est pas sûre de dates limites de son utilisation…
La politique de la porte fermée
En observateur privilégié, Jean-François Dubost, responsable du programme « Protection des populations » pour Amnesty International France, porte un regard critique sur l’action européenne en la matière. « On ne peut pas dire que l’Union européenne gère correctement la crise des réfugiés », déclare-t-il.
« Les mois passés montrent que non seulement les Etats n’ont pas réussi à être solidaires entre eux pour prendre en charge ces réfugiés, surtout avec la Grèce qui accueille le plus grand nombre de réfugiés dans des conditions épouvantables. Mais l’Union européenne a en plus choisi la politique de la porte fermée, en concluant notamment un accord avec la Turquie en termes duquel des réfugiés seront renvoyés dans ce pays », ajoute le responsable.
« L’Union européenne est exactement en train de faire le chemin opposé à celui qu’elle devrait assumer, à la fois moralement, mais également juridiquement, puisque c’est une obligation aujourd’hui en droit international de protéger des réfugiés », conclut-il.
La solidarité fait défaut
L’accord turco-européen prévoit l’application du mécanisme dit « un pour un » - un réfugié Syrien renvoyé de la Grèce vers la Turquie, pour un réfugié Syrien réinstallé de la Turquie dans un pays européen. Presque 1 900 réinstallations étaient prévues entre mai et juillet. Sauf que, la solidarité européenne est de nouveau difficile à obtenir. Des pays membres, par exemple la Hongrie, refusent toujours d’accueillir des réfugiés. L’accord a quand même permis de baisser significativement le nombre de passages de la Turquie en Grèce, sans toutefois régler le problème en général.
« Cette année, explique Ewa Moncure, après la signature de l’accord entre l’Union européenne et la Turquie, le nombre de migrants arrivant en Grèce en provenance de la Turquie a considérablement baissé. Quant à l’autre trajet habituel, celui qui mène de l’Egypte et de la Libye vers l’Italie, le niveau d’afflux des migrants reste inchangé par rapport à l’année dernière. » Bref, on peut fermer une voie d’accès, mais les réfugiés en trouveront toujours une autre…
Quand on fuit la guerre et la misère, on fait l’impossible pour trouver une voie de passage. Pour Jean-François Dubost, ce n’est pas en bloquant des portes qu’on arrivera à une solution valable : « C’est un problème de volonté politique. Il ne s’agit pas de créer des nouvelles techniques, des nouveaux outils, mais simplement de décider qu’on placera le respect de la vie humaine avant toute autre considération. C’est ce que nous attendons de l’Union européenne. » Une volonté politique difficile à obtenir quand l'essentiel de la pression migratoire pèse sur trois États membres sur vingt-huit.