Allemagne: une résolution sur le génocide arménien suscite la colère turque

La chambre basse du Parlement allemand doit se prononcer ce jeudi 2 juin sur une résolution reconnaissant le génocide arménien en Turquie. Ankara nie catégoriquement son existence et jusqu'au dernier moment, les autorités turques ont essayé de faire pression sur Berlin pour empêcher ce vote.

Plus de 500 organisations turques en Allemagne ont rédigé un texte commun pour protester contre la résolution du Bundestag, la chambre des députés allemands. Des manifestations ont été organisées. Des députés et des journalistes ont été bombardés de mails, et certains ont reçu des menaces, rapporte notre correspondant à Berlin, Pascal Thibaut.

En Allemagne, où vivent trois millions de personnes d'origine turque, les réactions négatives ont été nombreuses, même si certaines sont sans doute orchestrées par Ankara. Un Turc de Berlin ne comprend pas le sens du vote du Bundestag. « Qu'est-ce que ça rapporte à moyen terme à l'Allemagne ? s'exclame-t-il. Quels avantages ça a ? Je me le demande. Ça ne provoque que des troubles. Ce sujet est tout simplement instrumentalisé par beaucoup de pays européens ».

Un vote « absurde »

Les députés favorables au texte soulignent, eux, qu'ils ne veulent pas clouer Ankara au pilori, mais surtout oeuvrer pour la réconciliation entre la Turquie et l'Arménie. La résolution évoque aussi la responsabilité de l'Allemagne de l'époque, alliée de l'Empire ottoman, et qui n'a rien entrepris contre ces crimes dont elle connaissait pourtant l'existence.

Rien n'y fait. Pour Ankara, toute reconnaissance du génocide arménien constitue un casus belli. Le Premier ministre turc Binali Yildirim a jugé le texte absurde et souligné que son adoption aurait un impact défavorable sur les relations bilatérales.« C'est un vote absurde, il faut laisser l'histoire aux historiens », a-t-il déclaré à Ankara devant la presse. Il a cependant exclu que la Turquie riposte au vote des députés allemands en dénonçant l'accord sur les migrants conclu au mois de mars dernier avec l'Union européenne.

Accord « fragile » avec la Turquie

De son côté, le président turc Recep Tayyip Erdogan s'est entretenu mardi 31 mai au téléphone avec la chancelière allemande Angela Merkel pour lui exprimer ses inquiétudes, l'exhortant au « bon sens ». La chancelière ne participera pas au vote, petite concession faite aux Turcs, mais soutient le projet de résolution reconnaissant le génocide arménien.

Le texte a toutes les chances d'être adopté, étant proposé par les groupes parlementaires de la grande coalition, c'est-à-dire les conservateurs de la CDU (chrétien-démocrate) et le Parti social-démocrate (SPD). Il est également soutenu par les écologistes.

Dans une interview accordée au quotidien allemand Bild, le président arménien Serge Sarkissian a dit espérer que les députés allemands ne se laisseront pas intimider par la Turquie. « De toute façon, a-t-il déclaré, l'accord de l'Union européenne avec la Turquie est déjà "fragile" et il sera difficile à appliquer dans la durée avec un partenaire comme la Turquie ».

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