Selon Pedro Almodovar, il s’agit d’« un drame dur avec un parfum de mystère ». Le film saisit la culpabilité par un jeu de rencontres, de séparations et d’abandons. Tout tourne autour de Julieta, une femme à première vue épanouie qui se balade avec sa robe rouge et pieds nus dans son grand appartement à Madrid. Les valises sont prêtes. Elle a décidé de déménager avec son compagnon au Portugal.
Au dernier moment, elle retrouve par hasard Bea, la meilleure amie d’enfance de sa fille Atia. On découvre alors, sans comprendre pourquoi, qu’elle avait rayé Atia de sa vie. Quand Bea lui raconte avoir rencontré Atia, il y a une semaine, en Italie, elle annule son voyage et reste à Madrid.
Quand Calypso trouve son Ulysse
Une mère à la quête de sa fille est le point de départ de ce puissant récit sur des histoires prémonitoires et la culpabilité. Tout commence quand Julieta est encore jeune professeure de lettres classiques dissertant sur le mythe de Calypso et sa promesse de la beauté et de l’immortalité. Son destin se joue à bord d’un train quand Julieta refuse de parler avec un homme âgé entré dans son compartiment. Quelques minutes plus tard, elle découvre avec effroi que ce même homme vient de se jeter sous le train pour mourir. Elle se sent coupable, mais sera consolée par Xoan. Celle qui adore les mythes et les légendes a trouvé son Ulysse, un pêcheur, marié, mais avec une femme alitée depuis six ans. Elle vient de mourir quand Julieta arrive au bord de mer galicien pour dire à Xoan qu’elle est enceinte.
« Je refais ma vie »
Le bonheur ne durera pas et Julieta sera à son tour frappée par des disparitions et des abandons. A l’âge de 18 ans, après une retraite spirituelle dans les Pyrénées, sa fille Atia se sent à son tour coupable et quitte la maison sans plus jamais donner de nouvelles, en laissant une seule phrase pour sa mère : « je refais ma vie et tu n’en fais pas partie. »
Des êtres rongés et tourmentés par la culpabilité
Il y a une sorte de schizophrénie à l’œuvre entre le hasard et la fatalité, entre une Julieta jeune, incarnée par Emma Suarz, et une Julita plus âgée, interprétée par Adriana Ugarte. Un va-et-vient entre le passé et le présent, rythmé par des sous-entendus et des rencontres à la Pedro Almodóvar.
Avec des êtres qui s'entrechoquent et s'engloutissent, des sentiments aussi intenses comme le rouge et le bleu des robes. Des êtres rongés et tourmentés par la culpabilité, à l’instar du portrait peint par Francis Bacon accroché au mur. Et il n'y a que chez Almodovar que l’on ne s’étonne pas d’un cerf courant à côté d’un train dans un paysage enneigé : « Il n’a pas peur. Il cherche une femelle, il va la flairer. » Julieta, une histoire prémonitoire.