Pour le procureur luxembourgeois David Lentz, Antoine Deltour et Raphaël Halet « ne sont pas des lanceurs d'alerte », et Edouard Perrin a enfreint le secret professionnel et celui des affaires. Pour ce dernier, il requiert une amende. Pour les deux autres en revanche, outre les amendes et la confiscation de biens saisis, c'est la prison qui est requise, pour une durée certes nettement moins importante que le maximum encouru.
Les trois Français sont poursuivis, entre autres, pour vol de données, accès frauduleux à un système informatique, divulgation de secrets d'affaires ou encore violation du secret professionnel. Mais le procureur se veut magnanime, puisqu'il a précisé qu'il n'était pas opposé à ce que les peines soient assorties d'un sursis. Pendant l'audience, David Lentz a reconnu que l'affaire avait permis de dévoiler « certaines pratiques douteuses », et a salué « le travail acharné » d'Edouard Perrin.
La fuite de documents instructifs au cœur du Grand-Duché
Antoine Deltour, 31 ans, est accusé d'avoir copié sur son disque dur des centaines d'accords passés entre l'administration luxembourgeoise et PwC sur le traitement fiscal futur des clients de la firme, généralement à des taux dérisoires. Ces accords ont d'abord été évoqués publiquement dans l'émission « Cash investigation », en mai 2012 sur France 2. L'ancien employé assume ses actes, se décrivant comme un lanceur d'alerte, « fier » d'avoir fait avancer le débat fiscal en Europe.
Se disant choqué par le visionnage du fameux « Cash investigation », Raphaël Halet, 40 ans, ancien responsable de la numérisation et de l'archivage du service fiscal de PwC, assume avoir alors pris contact avec le journaliste et lui avoir transmis 16 déclarations fiscales de clients de PwC. Certaines seront utilisées lors d'un deuxième reportage de « Cash investigation » en 2013. Toutes se retrouveront ensuite publiées par le Consortium international de journalistes d'investigation (ICIJ) en novembre 2014.
Droit des affaires : la difficulté d'œuvrer pour les journalistes
Pendant le procès, le journalise Edouard Perrin, 45 ans, a rejeté la présentation qui avait été faite de lui, se voyant dépeint en « commanditaire » des fuites, ou en « voleur ». M. Halet est allé dans son sens, indiquant : « C'est moi qui ai décidé quelles sociétés et quels documents » fournir au journaliste, contrairement à ce qu'il avait indiqué au juge d'instruction en janvier 2015, à savoir que M. Perrin avait téléguidé la fuite de documents, ce que le procureur a répété mardi.
Au final, les trois hommes comparaissaient depuis le 26 avril dernier pour les fuites de 30 000 pages de documents. Au passage, le journaliste Edouard Perrin a lancé une mise en garde, à l'issue de son audition, considérant que sa profession risquait d'avoir de plus en plus à affronter la justice à l'avenir, alors que les informations qu'il a relatées sont manifestement manifestement d'intérêt public, l'ancien Premier ministre luxembourgeois ayant même fait de l'évasion fiscale un combat, à la tête de la Commission européenne qu'il préside désormais.