Avec notre correspondant à Belgrade, Laurent Rouy
Vojislav Seselj, le leader ultra radical serbe toujours actif en politique était poursuivi pour trois accusations de crime contre l’humanité et six accusations de violation des lois de la guerre. Depuis 18 mois, il se trouve en Serbie, où il ne se cache pas. Actuellement, il est même en campagne électorale pour les législatives du 24 avril.
Un campagne qui ne sera donc pas ternie par le jugement de La Haye puisque le TPIY l'a aquitté, ce jeudi, de l'ensemble des charges retenues contre lui. « Avec cet acquittement sur les neuf chefs d'accusation, le mandat d'arrêt n'a plus d'objet », a déclaré le juge Jean-Claude Antonetti : « Vojislav Seselj est donc un homme libre. »
En fait, libre, Vojislav Seselj l'était déjà. Il avait été inexplicablement sorti de prison sans conditions en 2014 - il était atteint d'un cancer -, après avoir passé 12 ans en détention préventive aux Pays-Bas. Pendant son procès, il avait dénoncé le tribunal comme une création politique qu'il voulait vaincre. Il avait plusieurs fois insulté juges et procureurs, et aussi dévoilé les noms de témoins protégés, ce qui lui avait valu des condamnations a plus de trois ans de prison.
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Depuis le début de l’année, Seselj a plusieurs fois refusé de retourner à la Haye pour le verdict, et Belgrade a montré peu d'empressement pour l'arrêter.
Vives réactions en Croatie
Seselj est désormais persona non grata en Croatie. Les autorités ont décidé de lui interdire l’entrée : une décision symbolique qui illustre la colère et la déception de Zagreb. Le Premier ministre dénonce un verdict « honteux ».
Seselj est l'homme « qui est l'auteur du mal et qui n'a montré aucun remord, ni à l'époque, ni aujourd'hui », écrit Tihomir Oreskovic qui estime qu’il s’agit là d’une défaite pour le tribunal de La Haye. La présidente croate Kolinda Grabar Kitarovic pointe un « un coup très sérieux porté au droit international ».
« De nombreuses victimes et communautés seront déçues par ce jugement » résume le procureur du tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie. Serge Brammertz se réserve le droit de faire appel, il va d’abord étudier le jugement dans le détail.
Fait rare au TPIY, la juge Flavia Lattanzi, l'un des trois présidents de la chambre, affiche son opposition à ce verdict d’acquittement. Elle accuse Seselj et ses partisans de manœuvres d'intimidation contre les témoins à charge.
L’ultranationaliste a de bonnes chances d’être élu lors des législatives du mois prochain en Serbie. Il s’est empressé de saluer la décision des juges de La Haye et a expliqué avoir déjà réclamé des dommages et intérêts de 12 millions d'euros au TPIY. Il compte même en réclamer 4 de plus pour avoir « beaucoup souffert en attentant le verdict ».