Les enquêteurs ont pu retracer une partie du parcours de Najim Laachraoui. Le jeune homme est belge, âgé de 24 ans et il aurait séjourné en Syrie. D'après le parquet fédéral belge, il y est parti en février 2013. Mais le communiqué ne précise pas combien de temps il y aurait séjourné ni à quel moment il est revenu en Europe.
Détenir le véritable nom de Soufiane Kayal est une avancée car il est l'un des hommes les plus activement recherchés dans cette enquête. Il a été contrôlé à la frontière austro-hongroise avec Salah Abdeslam en septembre 2015. Tous deux étaient alors accompagnés de Mohamed Belkaïd, qui avait des papiers au nom de Samir Bouzid, cet Algérien qui a été tué ce mardi 14 mars 2016 lors de la perquisition menée par les forces belges dans la commune de Forest, à Bruxelles.
Serait-il l'artificier du groupe ?
Le nom de Soufiane Kayal apparaît également à un autre moment dans l'enquête. C'est le patronyme utilisé pour louer l'une des planques utilisées pour la préparation des attentats de Paris et Saint-Denis, un logement près de Namur en Belgique. Les enquêteurs le soupçonnent aussi d'avoir été en contact avec les hommes du commando kamikaze dans la soirée du 13 novembre.
Soufiane Kayal était donc déjà l'une des cibles prioritaires des enquêteurs. Et Najim Laachraoui l'est encore un peu plus. La police française a en effet pu déterminer que son ADN se trouve sur plusieurs ceintures explosives utilisées par les kamikazes du 13 novembre. Ce ressortissant belge les a donc manipulés. Serait-il l'artificier du groupe ? Si oui, le savoir-faire de cet homme serait alors très précieux aux yeux de Daech. Les enquêteurs n'écartent pas cette hypothèse car Najim Laachraoui a séjourné en Syrie, peut-être pendant deux ans et demi, un laps de temps qu'il aurait pu mettre à profit pour apprendre à fabriquer des ceintures ou gilets d'explosifs.
Le « puzzle » loin d'être reconstitué
A Bruxelles ce lundi, peu d'éléments nouveaux ont été apportés lors de la conférence de presse conjointe des procureurs belge et français. La phrase « il est essentiel de laisser les enquêteurs travailler » qui revenait comme un leitmotiv dans la bouche des deux procureurs semblait être toujours la règle.
Alors quand la question des intentions de Salah Abdeslam est posée, le Belge Frédéric Van Leuw répond : « je ne commenterai pas plus que ce qui a déjà été dit. » Le fugitif a t-il passé ces quatre derniers mois dans l'agglomération bruxelloise ? Autre interrogation mais réponse assez semblable du français François Molins. « Le rôle du procureur c'est aussi de savoir retenir des informations quand elles sont nécessaires à la sécurité des investigations à venir », s'est-il contenté de déclarer.
Outre Salah Abdeslam, un de ses complices présumés a aussi été arrêté vendredi dernier. Il est connu sous le nom d'Amine Choukri. Une identité probablement fausse. Mais son véritable nom est toujours inconnu. « Maintenant que nous avons ses empreintes et que nous pouvons avoir son ADN, je pense que ça va faciliter les choses mais nous n'avons pas encore de certitudes sur sa véritable identité pour le moment », a précisé Frédéric Van Leuw.
« D'autres individus doivent être retrouvés afin de s'expliquer », a poursuivi le procureur belge. « Nous avons pas mal de pièces du puzzle et ces derniers temps plusieurs pièces du puzzle ont trouvé leur place, mais je suis encore loin, et nous sommes encore loin, d'avoir terminé le puzzle », a-t-il ajouté.
Les deux procureurs n'en diront guère plus. Simplement que les intentions exactes des terroristes ne seront peut-être jamais vraiment connues.
■ François Molins «serein» contre la menace d'une plainte contre lui
Sven Mary, le médiatique avocat de Salah Abdeslam, souhaite porter plainte contre François Molins pour violation du secret de l'instruction. L'avocat belge a estimé dimanche 20 mars que « la lecture d'une partie de l'audition de M. Abdeslam en conférence de presse constitue une violation » du secret de l'instruction. Samedi 19 mars dans la soirée, le procureur Molins déclare lors d'une conférence de presse : Salah Abdeslam a confié aux enquêteurs belges qu'il devait se faire exploser au Stade de France, avant de faire machine arrière. Le procureur a violé le secret de l'instruction, rétorque aussitôt l'avocat de Salah Abdeslam. Adepte d'une défense agressive, Sven Mary n'a donc pas laissé passer l'occasion de croiser le fer avec le procureur parisien.
Le procureur de Paris a réagi ce lundi 21 mars, depuis Bruxelles. « Je suis très serein sur cette question. Nous travaillons, avec mon collègue belge, en réalité, sur un dossier commun. Nous avons la possibilité de nous exprimer en fonction de nos règles procédurales propres. Je rappellerais sur ce plan que le code de procédure pénale français l’autorise à rendre public des éléments objectifs tirés de la procédure. Et je pense que c’est ce que j’ai fait ».
L'article 11 du code de procédure pénal français permet il est vrai au représentant du parquet de livrer au public des éléments tirés de la procédure. Le procureur Molins a le droit avec lui. Mais le ton est donné : le pénaliste Sven Mary compte bien mettre une défense que l'on peut qualifier de rupture.