Biélorussie: Alexandre Loukachenko vers un cinquième mandat contesté

Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis 1994 en Biélorussie, a remporté un cinquième mandat en réunissant 83,49% des voix, selon le chef de la commission électorale centrale. Officiellement, la participation a été massive puisque 87% des électeurs se seraient déplacés. Mais l'opposition et la candidate arrivée en deuxième position dénoncent des fraudes.

Avec notre envoyée spéciale à Minsk,  Muriel Pomponne

Le score d'Alexandre Loukachenko est   officiellement   encore plus élevé qu'en 2010. Mais le processus de décompte des voix est toujours aussi opaque. Le vote anticipé, auquel 36% des électeurs auraient participé cette année, a toujours lieu sans observateurs, de même que le vote à domicile.

A la fermeture des bureaux de vote, les observateurs n’ont même pas eu le droit de s’approcher de la table où les bulletins étaient comptés. Il leur a donc été impossible de vérifier si le décompte correspondait bien aux cases cochées par les électeurs.

Pour l’opposition, c’est la porte ouverte aux fraudes, comme l’explique Anatole Labiedzka, observateur : « A notre connaissance, il n’y a pas eu de falsification le jour de l’élection, mais en revanche, il y a eu des fraudes massives lors du vote anticipé et du vote à domicile. On s’en doute, parce qu’aujourd’hui, dans notre bureau de vote, il y a eu 334 voix pour Loukachenko et 160 pour Tatiana Korotkevitch, alors dans les urnes du vote anticipé et à domicile, il y a 90 % des voix pour Loukachenko. »

L'opposition conteste les résultats

Pour la plupart des opposants, cela justifie l’appel au boycott. La candidate Tatiana Karatkevitch qui, d'après un institut lituanien, pouvait espérer un score à deux chiffres, n'a pas eu droit à un traitement de faveur. Pourtant, sur le papier, elle était l'adversaire idéale, qui devait permettre à Loukachenko de l'emporter sans frauder. Elle conteste fermement les résultats des élections qui donnent plus de 80% des suffrages au président sortant. « Je ne suis pas satisfaite du déroulement du scrutin, car cette année en particulier, il y a eu un nombre incroyable de gens qui ont voté de manière anticipée », a déclaré l'opposante après l'annonce des premiers résultats.

Elle n'a pour autant pas appelé au boycott. Au contraire, elle a incité les électeurs à participer et elle refuse les manifestations de rue. « Je ne vais pas appeler mes partisans à manifester, car j'ai promis de défendre mes intérêts d'une autre manière. Je vais d'abord utiliser tous les moyens légaux. On va déposer des plaintes, on va contester le résultat des élections et on va faire ce que j'ai promis, c'est-à-dire tout ce qui est possible pour réaliser des changements pacifiques dans le pays. »

Quelques dizaines de jeunes, partisans du boycott, se sont rassemblés ce dimanche dans la soirée place de l’Indépendance. Un rassemblement sans incident. Les manifestants se sont dispersés rapidement.

« Ce ne sont pas de vraies élections »

Les premiers résultats de l'élection n'étonnent pas Mikola Statkevitch, opposant libéré de prison en août dernier et qui appelait au boycott. « Ce ne sont pas de vraies élections, c'est un rituel, un théâtre japonais, ou tous les gestes et les répliques des acteurs sont connus »,clame l'opposant politique.

« On connaissait le résultat, mais c'est quand même un évènement important, parce qu'à l'issue de cette farce, Loukachenko prolonge son règne de cinq ans. Et cette farce permet à nos voisins occidentaux de l'accepter comme un président légitime. »

« Pour beaucoup de gens en Biélorussie, les pays occidentaux sont une incarnation des idéaux de liberté et de démocratie, ajoute-t-il. Mais lorsque ses dirigeants se mettent à la même table que Loukachenko, considéré chez nous comme un criminel, un menteur, ça donne l'impression que Loukachenko a peut-être raison et que la démocratie, ce n'est que des mots. »

Les observateurs internationaux doivent s'exprimer dans la journée. L'Union européenne pourrait également envisager une levée des sanctions économiques à l'encontre de certains responsables et de certaines entreprises biélorusses.

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