Difficile d’envisager une campagne électorale plus terne. A peine quelques banderoles à l'entrée de la ville, « 11 octobre : élection du président ». Une formulation qui n’est pas un gage d’ouverture. Aucun tract, aucune affiche, quelques rencontres organisées par les candidats dans des écoles, des clubs. Les meetings sont interdits pour les partis qui n’ont pas de candidat, rapporte notre correspondante à Moscou, Muriel Pomponne. Le président sortant lui-même n’en organise pas. Mais on le voit tous les jours à la télévision au cours de réunions ou de visites de travail au quatre coins de la Biélorussie.
Des craintes de fraudes
En 2010, Alexandre Loukachenko l'avait emporté avec, officiellement, prêt de 80 % des voix. L'opposition et les observateurs internationaux avaient contesté la régularité du scrutin. Cette année, l'ONG de défense des droits de l'Homme Mouvement pour la liberté, qui va déployer des observateurs dans les bureaux de vote, craint des fraudes.
Premier problème soulevé, celui de la composition des commissions électorales. « Sur 72 000 membres des commissions d’élection, il y a 30 personnes de l’opposition », dénonce le président du mouvement Alexandre Milinkevitch. « Cela démontre qui compte ! » « Le plus important est de compter les votes ensemble. Sinon, ce ne sont pas des élections, mais la poursuite d’une tradition de falsification », poursuit-il.
Les autorités encouragent également un certain nombre de personnes à voter avant le jour des élections, explique-t-il. C’est notamment le cas des étudiants. « Contrôler tout ça, c’est vraiment très très difficile », explique Alexandre Milinkevitch.
Les relations avec la Russie font débat
La capitale Minsk, entièrement reconstruite après-guerre, avec ses immeubles staliniens, semble être restée figée à l'époque soviétique. Même le KGB n’a pas changé de nom. Et pendant longtemps la majorité des habitants était favorable à une union avec la Russie. Pourtant, la situation internationale a obligé le pays à bouger, imperceptiblement. Et depuis quelques années, et la tendance s'est accentuée avec la crise ukrainienne, les Biélorusses prennent leur distance avec la Russie.
« En Crimée aussi, la Russie avait des bases militaires, et qu'est-ce qui s'est passé ? Quand ils veulent, ils peuvent faire la même chose avec leurs hommes en vert des services secret. Et il n'y aura plus de Biélorussie », témoigne un habitant. Le président Loukachenko est tout aussi méfiant. « Aujourd'hui, nous n'avons pas besoin d'une base, encore moins d'une base aérienne », a-t-il fait savoir.
Mais l’économie de la Biélorussie est très dépendante de son puissant voisin. Alors que près de la moitié du commerce du pays se fait avec la Russie, Moscou, dès le moindre désaccord, interdit l'importation de viande ou de lait biélorusse, étranglant ainsi son voisin. Une pression que les Biélorusses supportent de moins en moins alors que leur économie est déjà entraînée vers le fond par la crise économique russe. Pour la première fois depuis que Loukachenko est au pouvoir, les revenus des Biélorusses ont baissé cette année. Alors, il lâche un peu de lest : les derniers prisonniers politiques ont été libérés en août, les contacts ont repris avec l’Union européenne, qui devrait lever ses sanctions au lendemain du scrutin.