De notre envoyé spécial à Chisinau,
La manifestation de ce dimanche a confirmé l’essoufflement de la protestation, que RFI a pu constater ces derniers jours. Sans doute n’y avait-il guère plus de 10 000 à 15 000 personnes, venues demander la démission du gouvernement et dénoncer, « la mafia qui ruine le pays ». Les organisateurs ne cachaient pas leur déception de voir si peu de monde.
Tenant des drapeaux nationaux, mais aussi le drapeau européen, les manifestants ont notamment hué Vlad Plahotniouc, un oligarque qui contrôle l’essentiel des institutions moldaves et à qui ils reprochent d’être responsable de la disparition des 900 millions d’euros, et d’une façon générale de la très mauvaise situation politique et économique du pays.
Les manifestants se sont même rendus devant l’immeuble qui abrite le groupe de M. Plahotniouc, un édifice neuf, aux vitres dorées. Certains ont tenté d’y entrer.
Peu de visibilité
Mais la question de l’avenir de ce mouvement se pose. On sent ses leaders impuissants à le redynamiser alors qu’en même temps, la colère du peuple est là. De récents sondages d’opinion montrent que 90% des Moldaves rejette leur classe politique. Le mouvement s’essouffle parce qu’il dure depuis trop longtemps, depuis plus d’un mois.
La plateforme Dignité et vérité a installé un village de toiles de tente, devant le siège du gouvernement, mais il ne parvient pas à maintenir une vraie présence sur place. C’est aussi un mouvement qui manque de vrais chefs de file, ce qui serait d’autant plus nécessaire qu’il ne dispose quasi d’aucun média puissant pour porter sa voix, la grande majorité des médias étant contrôlés directement ou non par M. Plahotniouc.
Un des leaders de la plateforme, l’avocat Andrei Nastase, brandissant des fleurs blanches pour souligner le caractère pacifique du mouvement, a appelé ce dimanche à des actes de désobéissance civile : non paiement des factures aux organes publics, grèves, etc. Pas sûr qu’il sera écouté.
Pas de rejet de l'UE
La classe dirigeante rejetée est celle de la coalition dite pro-européenne. Mais les Moldaves ne rejettent pas pour autant l’Europe. Ils veulent certes punir le gouvernement moldave, qui a signé l’an passé un Accord d’association avec l’UE, et conditionner le soutien financier au pays à de réelles réformes de la gouvernance. Mais ils sont aussi attentifs à ne pas rejeter ce pays vers la Russie, alors qu’il est divisé quant à ses grandes orientations stratégiques.
Ceux qui suivent la plateforme Dignité et vérité sont la partie pro-européenne du pays. Dans la foule, bien des manifestants expliquaient que ce vol de 900 millions d’euros, c’était « leur » problème et que ce n’était pas de la faute de l’Europe. Mais il n’est pas exclu que les forces politiques pro-russes exploitent la colère populaire pour remettre en question le choix européen de la Moldavie.