De notre correspondant à Kiev,
Le gouvernement central saboterait tout le travail que Mikheïl Saakachvili entreprend dans la région d’Odessa, accuse ce dernier. Le Premier ministre Arseni Iatseniouk freinerait la réforme de la justice, il torpillerait le nettoyage des douanes, il empêcherait de construire des routes et il détournerait même les routes de contrebande internationale à son profit.
Comme on peut s’y attendre, le Premier ministre dément catégoriquement ces accusations. Il vient juste d’être sacré par Christine Lagarde, la directrice du FMI, comme un réformateur intègre et audacieux, et il y tient. Arseni Iatseniouk affirme que Mikheïl Saakachvili est lui sont « dans le même bateau », et que le gouverneur ne s’exprime que sous le coup de l’émotion, une critique facile contre un ancien président géorgien que l’on sait très impulsif. Pour l’instant, on en est à une guerre des mots, mais c’est bien une guerre.
Les raisons de ces accusations
Cela fait un peu plus de trois mois, donc 100 jours, que Mikheïl Saakachvili a été nommé gouverneur par le président Petro Porochenko. C’est l’heure de tirer un premier bilan. Mais plus généralement, Mikheïl Saakachvili alimente une critique généralisée en Ukraine. Il avait changé radicalement la Géorgie, il considère que les réformes d’Arseni Iatseniouk ne sont pas des vraies réformes.
La guerre ouverte entre les deux hommes coïncide avec le lancement, le 1er septembre, d’une pétition à l’attention de Petro Porochenko, afin de lui demander de nommer Mikheïl Saakachvili Premier ministre. Il fallait 25 000 signatures pour que cette pétition soit légalement validée : ce mercredi matin, elle en avait déjà recueilli plus de 29 000. Mikheïl Saakachvili a les faveurs de l’opinion publique, mais il a répété plusieurs fois qu’il ne visait pas le poste de Premier ministre. Mais il a publiquement appelé à une refonte du gouvernement à Kiev, insistant sur le fait que l’équipe actuelle ne fonctionne pas !
Le silence du président Petro Porochenko
Pour l’instant, c'est le silence radio du côté de la présidence. Mais, on sait Petro Porochenko très proche de Mikheïl Saakachvili, alors que la cohabitation avec le Premier ministre est un calvaire. Les critiques de Mikheïl Saakachvili sont donc sans doute l’écho des contrariétés de la présidence.
D’autant que pour l’instant, Mikheïl Saakachvili est très pratique pour Petro Porochenko, par exemple pour lutter contre certains oligarques, comme le sulfureux Ihor Kolomoïsky, sans déclencher un affrontement frontal. Ihor Kolomoïsky consacre de fait ses charges contre Mikheïl Saakachvili , et épargne un peu le président ukrainien. L’oligarque a récemment comparé le gouverneur à un « chien qui aboie, un petit chien qu’il faudrait raccompagner dans sa Géorgie natale avec récompense pour celui qui l’aura trouvé. » En Ukraine, il y a beaucoup de choses qui changent mais les querelles politiciennes sont toujours controversées et colorées qu'auparavant. Là-dessus, c’est sûr, rien n’a changé depuis la Révolution de la Dignité.