Avec notre envoyé spécial à Luxembourg, Quentin Dickinson
La réflexion s’articule désormais autour de quatre interrogations urgentes : comment accueillir et enregistrer systématiquement chaque migrant dès son arrivée ? Comment définir des critères communs d’évaluation des dossiers individuels ? Comment répartir équitablement dans l’ensemble de l’Union européenne les personnes en attente de décision sur leur demande, ainsi que celles dont la demande est acceptée ? Comment, enfin, assurer un renvoi immédiat dans leur pays d’origine de celles et ceux dont la demande est rejetée ?
Ces questions ne sont simples qu’en apparence. Le groupe de quatre pays d’Europe centrale – Pologne, Hongrie, Slovaquie, République tchèque – fait mine de refuser toute approche commune européenne en la matière. La conception qu’ont leurs dirigeants de la souveraineté nationale leur dicte de gérer eux-mêmes, et seuls, la crise migratoire.
Une crise durable
Mais, à Luxembourg, on estime que cette attitude risque de ne pas prospérer longtemps, compte tenu de la démonstration de son ubuesque inefficacité en Hongrie et, surtout, de l’ampleur sans précédent de la vague humaine qui traverse l’Europe. « Ce n’est pas une situation urgente qui aura un début et une fin, a ainsi averti la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini. Nous sommes face à une crise qui va durer. Plus tôt on l’acceptera – au niveau psychologique et politique –, plus tôt on sera en mesure d'y répondre efficacement. »
« Il faut arrêter de s’accuser mutuellement », a lancé Federica Mogherini. La haute représentante de l'Union européenne pour les Affaires étrangères appelle au contraire au rassemblement et au dialogue avec les pays candidats à l’entrée dans l’UE : « Si vous regardez l’histoire ou la géographie, les pays des Balkans et la Turquie connaissent très bien le sujet. »
Fausses bonnes idées
Des idées ont bien été avancées pour répondre à ces interrogations. La première serait de verrouiller hermétiquement les frontières extérieures de l’UE. A l’examen, ceci s’avère matériellement impossible. D’abord en raison de la multitude d’îles grecques proches des côtes turques. Ensuite, lorsque les migrants arrivent par voie maritime, le droit de la mer impose de les secourir. Et quand c’est par voie terrestre, ces derniers jours ont démontré qu’il était illusoire de vouloir s’opposer à la progression d’une telle marée humaine.
La seconde idée consisterait à soutenir l’économie des pays africains les plus pauvres pour que leurs habitants ne soient plus tentés par l’exil. Malheureusement, un demi-siècle d’aide au développement de ces pays – et l’UE et le premier donateur de la planète – n’a pas permis d’éradiquer la misère, ni les conflits ethniques, ni la corruption. Et les sommes considérables versées par les Etats restent très inférieures à celles envoyées dans leurs pays d’origine par les immigrés installés légalement en Europe, et qu’on peut penser être utilisées plus efficacement sur le terrain de l’économie de proximité en Afrique.