Opération Tempête: des commémorations pour stigmatiser l’autre

La presse aussi bien en Croatie qu’en Serbie revient abondamment sur les commémorations en Croatie de l’opération militaire Tempête. En 1995, cette opération militaire avait mis fin aux guerres de Croatie et de Bosnie, en même temps qu’elle avait expulsé plus de 200 000 civils serbes de Croatie et causé la mort ou la disparition de 2 000 d’entre eux. Du coup pour les Croates cet événement est une victoire, mais pour les Serbes, c’est un crime de guerre de masse.

De notre correspondant à Belgrade,

Les commémorations des 20 ans de l’opération Tempête, se sont déroulées dans une atmosphère de division et de nationalisme. En Croatie, les dissensions au sommet de l’Etat étaient telles qu’il n’y a pas eu de protocole commun entre le Premier ministre social démocrate et la nouvelle présidente nationaliste, Kolinda Grabar. De ce fait deux événements ont été organisés : un défilé militaire à Zagreb, la capitale, et une commémoration à Knin, la ville qui avait été un objectif important de l’opération militaire Tempête en Croatie en 1995.

Dérapages nationalistes côté croate et côté serbe

A Knin, mercredi 5 août, il y a eu clairement des dérapages organisés. D'abord, les dizaines de milliers de participants ont ovationné la présidente nationaliste et conspué le Premier ministre social-démocrate. Cette même présidente a appellé les politiciens serbes à renoncer aux mythes et aux mensonges qu’ils répandent sur la Croatie. La journée s’est terminée par le concert d’un chanteur nationaliste, qui a fait conspuer les Serbes par le public, tandis que des groupuscules d’extrême-droite glorifiaient le passé fasciste de la Croatie pendant la Seconde guerre mondiale. Une fois encore, et ce n’est hélas pas la première cette année, le sommet de l'Etat en Croatie participe à une manifestation qui sert de porte voix à l’extrême-droite et fait semblant de ne pas s’en rendre compte.

Côté serbe, les commémorations ont également donné lieu à des dérapages. C'était la première fois que Belgrade rendait hommage aux victimes de cette offensive. Les cérémonies ont été organisées au plus haut niveau et dans tout le pays, les sirènes ont sonné pendant qu’était observée une minute de silence. Là encore, il y a eu des dérapages nationalistes dans le discours officiel, puisque le président Toma Nikolic, a parlé de l’offensive Tempête comme de l’aboutissement de la politique anti-serbe des fascistes croates de la Seconde guerre mondiale.

L'histoire divise encore

Le concert du chanteur nationaliste croate a été brièvement interrompu par un drone qui a survolé la scène. L’appareil transportait un drapeau serbe et un slogan qui comparaît l’opération Tempête à un crime de guerre. Le drone a été intercepté par la police. Dans les deux pays, les commémorations ont été ainsi utilisées pour stigmatiser l’autre. Une tendance qui refait surface dans les relations entre la Croatie et la Serbie, des relations qui ne cessent de se dégrader.

Ces commémorations attisent toujours les tensions pour plusieurs raisons. D’abord, la plupart des refugiés serbes de l’époque ne sont toujours pas rentrés chez eux. Ceux des réfugiés qui voudraient rentrer ne reçoivent pratiquement pas d’aide des autorités croates, ni d’ailleurs des autorités serbes. Ensuite, la justice n’a pas été rendue. De nombreuses victimes sont portées disparues et les auteurs de crimes n’ont que rarement été jugés. Enfin, rappelons que les relations entre les deux pays n’ont pas toujours été aussi mauvaises mais le fait que les deux chefs d'Etat soient issus des rangs nationalistes n’aide évidement pas à trouver un langage commun et apaisé.

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