Avec notre correspondante à Athènes, Charlotte Stiévenard
Après les révélations sur le plan B de Yanis Varoufakis (voir encadré), un avocat et un maire grecs ont déposé deux plaintes : pour trahison dans les négociations d'une part, et pour avoir exposé l'Etat grec à des représailles d'autre part. La procureure de la Cour suprême grecque s'est saisie de l'affaire, aussitôt transmise au Parlement. Cela n'ira pas plus loin, à moins que les députés ne décident de lever l'immunité de l'ancien ministre des Finances.
Quant à Yanis Varoufakis lui-même, il confirme bien l'existence d'une équipe chargée d'élaborer un plan de secours en cas d'échec des négociations. Il confirme aussi son idée de créer des comptes spéciaux pour chaque citoyen, associés à leur numéro d'imposition. En dehors du système bancaire, donc.
Dans les enregistrements de la conversation téléphonique révélée par le journal conservateur I Kathimerini, il explique qu'il aurait dû, pour cela, pirater le logiciel de gestion des impôts. Sa justification ? Il est contrôlé par les créanciers. Une information aussitôt catégoriquement démentie par la Commission européenne, qui parle d' « allégations sans fondement » et même de « théorie du complot ».
L'ancien ministre des Finances se dit aujourd'hui victime d'une campagne médiatique. D'abord pour absence supposée de plan B, et désormais car il en avait en fait un.
■ Quand Varoufakis prévoyait en toute simplicité de pirater son propre ministère
Yanis Varoufakis, qui a quitté le gouvernement le 6 juillet dernier, a confirmé lundi 27 juillet les informations parues dans le quotidien I Kathimerini ce week-end. Oui, il avait travaillé, à partir de décembre 2014, dans le plus grand secret mais avec l'aval d'Alexis Tsipras, dit-il, sur l'élaboration d'un « système bancaire parallèle », libellé en euro mais qui « aurait pu à tout moment être converti en une nouvelle drachme » en cas de « Grexit ». Concrètement, cela visait pour Athènes à pouvoir faire sans les soutiens financiers de la Banque centrale européenne (BCE) et des banques grecques au bord de la faillite.
« Imaginons que l’Etat doive 1 million d’euros à une compagnie pharmaceutique. Nous aurions pu opérer un transfert numérique sur le compte lié au numéro fiscal de la compagnie, et lui fournir un code qu’elle aurait pu utiliser dans ce mécanisme de paiement parallèle », explique l'ex-star du gouvernement Syriza, qui y voyait un plan d'urgence pour faire « face aux efforts des créanciers visant à miner le gouvernement grec et au vu des forces à l'œuvre au sein de la zone euro pour expulser la Grèce de l'euro ».
« Nous envisagions de créer clandestinement des comptes secrets reliés au numéro fiscal de chaque contribuable grec », avait déjà expliqué, selon les enregistrements récemment révélés, l’ex-ministre à l'occasion du Forum officiel des institutions monétaires et financières (OMFIF), le 16 juillet dernier. Les contribuables grecs auraient ainsi, eux-mêmes, pu se servir de ce « système de paiement parallèle » pour s'acquitter de dettes « ou pour payer leurs impôts à l’Etat ». Et pour accéder au numéro fiscal de chaque contribuable, le ministre avait donc, tout bonnement, prévu un piratage informatique du logiciel du Secrétariat général aux recettes publiques, une instance indépendante au sein du ministère, grâce à l'un de ses amis d'enfance, professeur en technologie de l’information à l’université Columbia de New York.
De crainte que le secrétariat général aux Recettes publiques soit en réalité sous contrôle des créanciers du pays, il envisageait ce piratage pour pouvoir tester son système parallèle sans les alerter. L'économiste américain James Galbraith, professeur à l'université texane d'Austin, a confirmé avoir participé gratuitement et officieusement à l'ensemble de la réflexion, au sein d'un groupe de cinq personnes. « A aucun moment, ce groupe de travail n'a milité pour une sortie (de l'euro) ou tout autre choix politique. Le travail consistait uniquement à étudier les questions opérationnelles qui se poseraient si la Grèce était contrainte d'émettre des certificats (d'argent) ou si elle était contrainte à quitter l'euro », dit-il.