Avec notre correspondant à Istanbul, Jérôme Bastion
Trois jours après l'attentat de Suruç qui a fait 32 victimes et une centaine de blessés, lundi 20 juillet, l’enquête officielle est toujours en cours, mais officieusement, l’attentat est attribué à l’organisation Etat islamique. Cette attaque a provoqué une vague de contestation dans tout le pays, avec de multiples manifestations parfois réprimées très violemment par les forces de l’ordre.
Cinq des 32 victimes de l’attentat doivent être enterrées ce mercredi dans des quartiers d’Istanbul connus pour leur sensibilité de gauche. Hier, mardi, le cercueil de l’une des victimes a été accueilli dans un quartier d’Istanbul par des militants d’extrême gauche, cagoulés de rouge et brandissant des fusils-mitrailleurs… Une image forte, qui montre l’ambiance très pesante qui règne en ce moment en Turquie. Une atmosphère qui n’est pas sans rappeler celle qui régnait lors de la révolution de Gezi.
Et ce mercredi 22 juillet, deux policiers turcs ont été tués à Ceylanpinar, une ville du sud-est de la Turquie. Les meurtres ont été revendiqués par le HPG, les forces de défense populaire, la branche armée du parti kurde PKK. L'opération a été menée en riposte à l'attentat de Suruç : les deux policiers sont accusés par le HPG d'avoir collaboré avec le groupe Etat islamique, désigné comme étant le responsable de l'attentat.
Affrontements et commissariats ciblés
Mardi soir, les manifestations organisées aussi bien à Istanbul que dans l’est du pays ont dégénéré en affrontements avec la police. Des heurts qui ont duré des heures, lors desquels il y a eu de nombreux blessés. Un petit garçon de sept ans est notamment plongé dans le coma après avoir reçu une capsule de gaz lacrymogène en pleine tête. De nombreux manifestants ont été interpelés.
Il y a également eu une vague « d’incidents » visant les forces de l’ordre et le parti au pouvoir : un commissariat a été visé par un cocktail Molotov, un autre ciblé par des rafales d’armes automatiques et une bombe a été découverte et désamorcée sous un véhicule de l’AKP, le parti du gouvernement.
Cette tension devrait durer encore au moins jusqu'à ce week-end : samedi, une grande marche « contre la terreur de l’Etat islamique » est prévue. Pour faire face aux débordements, la police a suspendu tous les congés de ses fonctionnaires et rappelé ceux qui en avaient pris.
Promesse d'un renforcement de la sécurité à la frontière
Le gouvernement turc doit discuter ce mercredi de nouvelles mesures pour sécuriser la frontière avec la Syrie. Un conseil des ministres exceptionnel est au programme, avec pour ordre du jour, presque exclusif, la sécurité.
Mardi, le Premier ministre turc a affirmé que la sécurité à la frontière turco-syrienne sera renforcée. Mais, en fait, elle l’est déjà : 60 000 militaires turcs y ont été déployés récemment. Le projet de zone tampon ou de zone de sécurité en territoire syrien va être, de nouveau, discuté. Certains doutent de son efficacité, voire de sa faisabilité. Le président Erdogan y tient, mais son chef d’état-major est contre. Ce dernier devant être remplacé dans une dizaine de jours, il se pourrait que la création des zones tampons soit lancée ensuite.
■ L'auteur de l'attentat de Suruç formellement identifié
Le jeune homme de 20 ans est originaire d'Adiyaman, province du sud-ouest du pays. Il avait quitté le domicile familial depuis 6 mois pour vivre en Syrie. Les restes d'une seconde personne suspecte, de sexe féminin, demeure en cours d'identification. Elle serait une complice, apparemment non turque, selon le correspondant de RFI. Les autorités turques enquêtent également sur d'éventuels liens entre l'attaque meurtrière de Suruç et l'attentat perpétré lors d'une réunion publique du principal parti kurde de Turquie, le 5 juin dernier à Diyarbakir, dans le sud-est du pays, attentat qui avait fait 5 morts.