Assis dans un café d'Athènes, Athinodoros Stavridis fait ses mots croisés, raconte notre correspondante à Athènes, Charlotte Stiévenard. Ce retraité touche 900 euros par mois, soit 200 euros de moins qu'avant la crise. Il ne se plaint pas, mais il précise quand même : « Une grande partie va à mon fils. Il n'est pas capable de travailler. »
Son fils est malade, mais cette pratique est courante. Avec un Grec sur quatre au chômage, près de la moitié des ménages vivent grâce à la retraite d'un des membres. L'ancien pilote Konstantinos Bulgaris touche 1 300 euros par mois, soit 700 de moins qu'avant la crise. Etant donné les difficultés des négociations, il est inquiet pour la suite. « D'après ce qu'on comprend, ils ne veulent pas accepter ces propositions parce qu'elles sont profondément récessionistes. Mais leurs propres propositions le sont également ! », pointe-t-il.
Le gouvernement d'Alexis Tsipras veut réformer le système des retraites, mais sans nouvelles coupes, surtout pas dans les retraites les plus basses, autour de 300 euros par mois. Pour le chercheur Stamatis Vardaros, cela s'annonce difficile. « Pour garder un niveau équivalent de pensions, le système d'assurance sociale que les créditeurs ont en tête a besoin de contributions importantes », explique-t-il. Or, elles se sont effondrées à cause de la crise. Et avec un jeune sur deux au chômage, l'avenir du système de retraites actuel s'annonce bien sombre.
Ruée sur les distributeurs de billets
La situation était devenue critique pour les retraités non-détenteurs de carte bleue, depuis la fermeture des banques lundi 29 juin. Heureusement, ces retraités peuvent depuis ce mercredi matin retirer leur argent dans un millier d’agences, un vrai soulagement pour eux.
Conséquence, une impressionnante foule de personnes âgées se massait ce matin devant les guichets et surtout devant les portes exceptionnellement ouvertes des agences bancaires de la capitale, a constaté notre envoyée spéciale à Athènes Aabla Jounaïdi. Beaucoup de femmes avec leurs cabas ou leurs chariots de courses, prêtes à aller faire leurs achats alimentaires pour la semaine, car c’est bien sûr la priorité. Il y a aussi des dépenses en médicaments qui ne pouvaient pas attendre plus longtemps pour certains de ces retraités.
Armés de leur livret de compte et d’un petit ticket numéroté fourni par le personnel à l’entrée de l’agence, les retraités attendent patiemment. Certains sont arrivés bien avant l’ouverture pour être sûrs de pouvoir retirer leur argent. Iphigénie, 69 ans a retiré 120 euros, « le maximum, précise-t-elle. J’ai plein de choses à acheter : des médicaments bien sûr. Le reste, les taxes, les dettes, ça peut attendre que la situation s’améliore. On verra, on attendra jusqu’à dimanche ! »
Parfois on recèle une pointe de tension dans la file, mais à la sortie de l’agence les sourires se dessinent sur les visages. Certains embrassent même les agents d’accueil en sortant de la banque. Pour Rica, pétulante retraitée de 65 ans, c’est la délivrance. Elle ressort ravie avec son cabas en main. « J’ai retiré 120 euros, juste ce qu’il faut pour nos besoins. Le strict nécessaire pour les jours qui arrivent et on verra bien ce qui va se passer. Personne ne sait ! »
ANALYSE
Pour l'historien gréco-suisse Nicolas Bloudanis, auteur de l'ouvrage Histoire de la Grèce moderne (1828-2012), mythes et réalités (éditions L'Harmattan), une refonte du système de retraites grec est essentielle.
« On a 3,5 millions de travailleurs dans le secteur privé, 800 000 fonctionnaires, 2,5 millions de retraités dont la majorité n'a pas l'âge requis de la retraite, c'est-à-dire que ce sont des gens de moins de 60 ans. Et on a 1,5 million de chômeurs. Cela donne une proportion de 1,2 personne qui doit travailler pour entretenir une personne. C'est une proportion qui est absolument intenable », considère-t-il.
Pour l'historien, le clientélisme est en partie responsable du fait que le système des retraites n'évolue pas en Grèce. « Je pense que les gouvernements grecs veulent préserver à tout prix ce socle, qui est un socle électoral qu'eux-mêmes ont créé, et je parle là de tous les partis, de la gauche comme de la droite, du Pasok comme de la Néa Dimokratia, et comme de la gauche qui gouverne actuellement. On veut à tout prix conserver cette situation. »