Avec notre envoyée spéciale à Athènes, Aabla Jounaidi
Les pro-Europe, plusieurs milliers, criaient « Europe, démocratie ! », en brandissant la bannière bleue étoilée de l'Union. La plupart sont venus en famille, de la classe moyenne ou moyenne supérieure. Ils sont de cette Grèce qui a grandi dans le rêve européen et qui verrait comme une régression insupportable une sortie de la zone euro.
Sous la pluie battante qu'ils espèrent ne pas être de mauvais augure, ils sont venus clamer leur appartenance à l’Europe, comme le jeune Panos, informaticien, drapeau européen à la main. « J'ai vécu à l'étranger en Europe. Pour moi l'Europe est aussi mon pays, pas seulement la Grèce », clame le jeune informaticien.
Johannis, courtier d’assurance, avoue ne pas être malheureux comparé à beaucoup de ses compatriotes. Mais il refuse le retour en arrière prôné selon lui par le parti du gouvernement. « La plupart des membres de Syriza au gouvernement ne veulent pas que la Grèce soit dans la zone euro. J'ai souffert aussi de la situation en Grèce ces cinq dernières années, même si elle s'est améliorée. Mais nous souffrirons plus si nous quittons l'euro pour la drachme. »
Députés hués
Les esprits s'échauffent lorsque les députés Syriza sortent du Parlement. « Nous appelons le gouvernement à démissionner. Ce qu'il fait n'est ni dans l'intérêt du peuple grec, ni dans l'intérêt de l'Europe. »
S'ils comptent voter « oui » dimanche, ils estiment que la décision d'organiser ce scrutin est anticonstitutionnelle, selon un argument de l'opposition conservatrice. Ils jugent surtout que c'est irresponsable de la part du Premier ministre Alexis Tsipras. Il est trop tard, disent-ils, pour confier au peuple cette responsabilité. Face au Parlement, ils huent les quelques députés qui sortent du bâtiment et demandent la démission du gouvernement Tsipras. En tout cas, le doute semble gagner les rangs mêmes du parti Syriza puisqu'au moins quatre députés se sont prononcés en faveur du « oui » dimanche dernier.
Fracture plus que politique
Lundi, près de 17 000 manifestants ont défilé dans les rues d'Athènes, mais cette fois pour soutenir le « non » au référendum. Cela marque une division certaine chez les Grecs, que l'historien Nicolas Bloudanis qualifie même de « fracture ».
Un sondage donne le « non » en tête
Un sondage de l'institut ProRata a été publié ce mercredi matin dans la presse grecque. Il donne une nette avance au camp du « non », avec 54 % contre 33 % en faveur du « oui ». Mais est-ce « oui ou non » à l’Europe, « oui ou non » aux conditions des créanciers ? Difficile à dire. La question posée fait largement débat. L’intitulé de la question fait référence à deux documents soumis par la troïka FMI, Commission européenne et la Banque centrale européenne au gouvernement grec. Problème, personne en Grèce n’a accès à ses documents et on ignore si ces propositions sont toujours celles des créanciers.
L'autre inconnue sur le vote de dimanche est matérielle. Autrement dit, où trouver l'argent pour organiser le scrutin ? Les photos d’un brouillon de bulletin de vote circulent depuis deux jours sur les réseaux sociaux. Officiellement, au ministère de l’Intérieur, on s’affaire pour organiser la traduction et l’impression de ces bulletins. Une gageure, car pour la Grèce, officiellement en défaut de paiement, cela couterait plus de 100 millions d’euros à organiser.