Moins d’un mois après le vote des Irlandais en faveur du mariage homosexuel, Amnesty International interpelle le gouvernement d’Enda Kenny sur le sujet de l’interruption volontaire de grossesse. Dans un rapport publié ce mardi 9 juin, l’ONG appelle l’Irlande à « modifier sa Constitution et notamment cette primauté de la vie du fœtus par rapport à la vie de la mère ».
La législation irlandaise, considérée comme l’une des plus restrictives d’Europe, interdit notamment aux femmes et jeunes filles victimes d’un viol d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse. Conséquence : chaque année, environ 4 000 femmes et jeunes filles partent à l'étranger pour y procéder à une IVG. Une situation condamnée par Amnesty International, qui dénonce le coût considérable tant sur le plan psychologique que financier et physique.
Amnesty espère lever la « chape de plomb »
« La question de l’avortement est extrêmement sensible en Irlande. Il y a encore cette chape de plomb, qui fait que la sexualité des femmes est mise en cause », estime Geneviève Garrigos, présidente d'Amnesty International France. L'ONG, qui a déjà par le passé dénoncé la loi promulguée en 2013, juge que la législation irlandaise « confirme que la femme est perçue plus comme un réceptacle à enfants que comme une vie à part entière. C’est ce changement qu’il faut amener, pour toutes ces femmes qui, aujourd’hui, sont en situation désespérée. »
Evoquant le chiffre de 4 000 Irlandaises contraintes de quitter le pays pour pouvoir avoir recours à une IVG, la présidente d’Amnesty France dénonce ce qu’elle qualifie « d’hypocrisie très forte du gouvernement irlandais ». « On les laisse faire, alors que ces femmes devraient pouvoir trouver une solution dans leur propre pays », souligne la présidente de l’ONG, qui estime qu’il y a une « double discrimination », car « celles qui finalement se retrouvent à ne pas pouvoir le faire, ce sont les femmes les plus pauvres, les plus jeunes, celles qui sont dans des situations précaires ».
« Décriminaliser » les accompagnants et personnels de santé
Pour Geneviève Garrigos, il y a urgence à « décriminaliser également toutes les personnes qui viennent en soutien [aux femmes désirant un IVG], que ce soit les personnels de santé ou les accompagnants, pour arrêter de faire subir à ces femmes une situation qui est absolument intolérable aujourd’hui, en Europe mais aussi dans le monde ».
« Entre la culpabilisation, le danger, la peur, l’opprobre au niveau de la société, ces femmes se retrouvent vraiment prises dans un étau, alors qu’elles-mêmes sont les premières victimes », dénonce encore Geneviève Garrigos, qui regrette « le poids de l’histoire irlandaise, de la vision de la femme comme réceptacle à bébés, c’est absolument absurde et anachronique ».