Législatives turques: cuisant revers pour Erdogan

Les élections législatives en Turquie se sont soldées par un cuisant revers pour le parti au pouvoir, l'AKP de Recep Tayyip Erdogan, qui demeure le premier parti de Turquie mais qui a perdu la majorité absolue en ne recueillant qu'un peu plus de 40% des voix. Une gifle qui contraste avec le bon score du parti pro-kurde HDP, qui lui a réussi à gagner une représentation au Parlement en dépassant 13 % des voix.

Avec notre correspondant à Istanbul, Jérôme Bastion

C’est d’abord un échec personnel cuisant pour l’homme fort de Turquie qui a mené une campagne énergique, acharnée. Il a tenu meeting dans chacune des 81 provinces du pays ces deux derniers mois. Il s’était engagé personnellement parce que c’est son avenir qui se jouait, avec à la clé un changement de régime et un poste de président fort.

Mais c’est aussi cet engagement excessif qui a déplu, de même que sa rhétorique extrêmement agressive, discriminante et acrimonieuse. M. Erdogan a perdu son pari et a fait perdre son parti aussi, ce parti qu’il avait tant de mal à abandonner. C’est une bérézina.

En revanche, c’est une victoire d’une portée symbolique incommensurable pour le petit parti pro-kurde HDP qui, pour la première fois de l’histoire de la Turquie, entre au Parlement alors qu’il n’y avait jusque-là des candidats kurdes indépendants. C’est pour les kurdes un vrai triomphe dont il va falloir maintenant gérer la suite.

La présidentialisation du régime reporté

Le Premier ministre Ahmet Davutoglu a voulu minimiser l'ampleur du revers face à ses partisans : « Cette élection a montré une fois de plus que l'AKP était la colonne vertébrale de ce pays. Personne ne doit essayer de transformer une défaite en victoire. » Surtout, le chef du gouvernement a promis de poursuivre le combat pour modifier la Constitution.

Car c'était là l'un des principaux enjeux du scrutin : si l'AKP avait réussi à remporter au moins 330 sièges - il n'en a eu que 258 -, Erdogan aurait eu les mains libres pour retoucher le texte fondateur et viser une présidentialisation du régime qui renforcerait de fait ses pouvoirs.

L'AKP au bord de l'implosion

Difficile, désomais, de connaître la composition du futur exécutif. On évoquait dès hier soir, dimanche, des formules de coalition mais qui paraissent toutes plus improbables les unes que les autres, que ce soit entre le parti du gouvernement et un éventuel partenaire ou que ce soit avec tel ou tel parti de l’opposition.

Conséquences, on évoque déjà au sein de l’AKP une possible élection anticipée mais qui pourrait avoir des conséquences encore plus dramatiques pour le parti islamo-conservateur en termes de score. Une chose est quasi certaine dès maintenant, le Parti de la justice et du développement de Recep Tayyip Erdogan va imploser du fait de ses dissensions internes. Mais cela ne réglera rien l’instabilité politique qui risque de s’installer durablement.

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