Macédoine: difficile sortie de crise

En Macédoine, alors que les manifestants de l’opposition campent toujours devant le siège du gouvernement pour réclamer la démission du Premier ministre, des discussions plus ou moins discrètes se poursuivent pour sortir de la crise. Le point sur la situation.

De notre correspondant dans la région

Il est encore bien tôt pour dire si une sortie de crise est en vue à Skopje, mais il est certain qu’après la rencontre de Strasbourg qui a réuni, le 19 mai, le gouvernement et l’opposition macédonienne, des tractations se poursuivent entre le parti VMRO-DPMNE du Premier ministre conservateur Nikola Gruevski et l’opposition sociale-démocrate menée par Zoran Zaev.

A priori, on pourrait se diriger vers un gouvernement de grande coalition, qui inclurait également les deux principaux partis de la minorité albanaise, le DUI, actuellement associé à la majorité et le DPA, dans l’opposition. Dans ces conditions, tous les partis réintégreraient le Parlement, boycotté par l’opposition depuis un an. Enfin, des élections anticipées seraient convoquées dans les prochains mois – au plus vite, souhaite l’actuelle majorité, pas sans avoir révisé les listes électorales, rétorque l’opposition.

Un scénario surprenant

Mais après les manifestations organisées par l’opposition qui ont réuni des dizaines de milliers de personnes contre la dictature du Premier ministre, ce scénario semble tout de même un peu surprenant. D’autant plus après les révélations de Zoran Zaev qui montrent à quel point le régime macédonien est autocratique et corrompu.

Il faut bien comprendre que le chef de l’opposition sociale-démocrate négocie au nom de son parti mais que la dynamique sociale mise en place depuis le début du mois de mai ne dépend pas que de lui. D’ailleurs, beaucoup de manifestants n’ont jamais caché l’aversion et la méfiance qu’ils avaient pour cette opposition sociale-démocrate. Car, en réalité, Zoran Zaev a clairement montré qu’il n’était pas du tout intéressé par un scénario révolutionnaire, mais plutôt par un compromis. Il est poussé en cela par les chancelleries occidentales, toujours attachées au dogme de la stabilité de la Macédoine qui nécessiterait de passer un compromis avec le régime de Nikola Gruevski.

D’ailleurs, beaucoup de diplomates occidentaux en poste à Skopje ne cachent pas qu’ils doutent fort que l’opposition puisse incarner une alternance. En somme, il suffirait que Nikola Gruevski entrouvre la porte du pouvoir à l’opposition, mais aussi qu’il prenne quelque peu ses distances avec Moscou, notamment sur le projet de gazoduc Turkish Stream pour que tout rentre dans l’ordre.

Il n’est pas certain, toutefois, que les étudiants, les journalistes et les simples citoyens mobilisés depuis des semaines acceptent un tel compromis.

Les événements de Kumanovo entretiennent la défiance

Dans ce climat de défiance envers le pouvoir, la tragique opération « antiterroriste » de Kumanovo va laisser des traces, ne serait-ce déjà parce que près de 10% des effectifs des forces spéciales macédoniennes ont été mis hors de combat.

Plus fondamentalement, alors que tout semble confirmer le scénario d’une mise en scène qui a mal tourné, de plus en plus de voix réclament une enquête internationale indépendante sur ce qui s’est passé dans cette ville du nord du pays le week-end des 9 et 10 mai. À défaut, les doutes et les soupçons risquent fort de continuer à miner la Macédoine, notamment la minorité albanaise qui, pour l’instant, fait preuve d’une très grande retenue.

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